Avec : Charles Esten, Amber Tamblyn Durée : 1:32 Pays : Allemagne/USA Année : 2001 Web : Site Officiel

Le film à sketches, genre tombé en désuétude, n'est pas mort ! Pour preuve, ces réalisations signées de grands noms du cinéma. Sur le thème du temps, chaque réalisateur livre sa propre interprétation, comme autant de figures libres sur un sujet imposé. Ce qui frappe à première vue, c'est la diversité et la richesse de ces sketches, mais aussi leur qualité. On retrouve aisément l'univers filmique de chacun des auteurs qui se sont prêtés à l'exercice avec bonheur.

Wim Wenders met en scène le mauvais trip d'un type qui a dix minutes pour sauver sa peau….et une vingtaine de kilomètres à parcourir en voiture pour trouver l'hôpital le plus proche ! Sous les effets de la drogue, la route défile avec son cortège d'hallucinations, le tout baignant dans une lumière ocre irréelle. Une réussite.

Jim Jarmusch retrouve l'icône branchée Chloé Sévigny pour un joli court-métrage en noir et blanc, dépeignant la solitude d'une star de cinéma. L'actrice a dix minutes pour se reposer dans sa caravane, prendre un repas, appeler son ami. Son intimité va être troublée régulièrement par l'équipe du film.

Victor Erice signe lui aussi une œuvre en noir et blanc, remarquable de maîtrise. Dans une ferme en Espagne, par une chaude après-midi, tout le monde vaque à ses activités. Une jeune mère dort à proximité de son bébé qui est blessé. Il sera sauvé in extremis, tandis qu'au loin se profile une menace plus grande : la montée du nazisme. Erice use du montage parallèle avec finesse et inspiration. Ce film marque les esprits, en raison d'un dénouement heureux tout de suite contredit le plan suivant.

Fidèle à son univers minimaliste et absurde, Aki Kaurismaki, entouré de ses acteurs fétiches, filme le départ vers la Sibérie d'un couple de futurs « jeunes » mariés. Au final, l'homme tourne un dernier regard nostalgique vers son pays.

Werner Herzog choisit de mettre en scène non pas une avancée de dix minutes dans le temps, mais de dix mille ans. Il y a quelques années, une ethnie vivant à l'âge de pierre au large du Brésil, avait été découverte et filmée par une équipe de cinéma. Herzog décide, deux ans plus tard, de les retrouver et de voir quels changements ce contact avec la civilisation a occasionné. Le constat est sans appel et les conséquences de la découverte de la tribu sont terribles. Nus lors de leur première apparition, les indigènes arborent aujourd'hui casquettes américaines, jeans et t-shirts. La communauté est en passe de disparaître et les jeunes générations habitent la ville. Ceux qui, il y a peu encore, faisaient du feu en frottant le bois et étaient effrayés par la flamme d'un briquet, ont découvert les voitures, la télévision… et le sexe avec des femmes blanches, blancs qu'ils s'étaient fait une spécialité de tuer auparavant. C'est le film le plus saisissant de la série et le plus réussi aussi. On pense immanquablement à Aguirre, la Colère de Dieu, long métrage mythique de Herzog.

Chen Kaige quant à lui, déçoit, malgré une histoire très poétique. Dans une Chine en reconstruction, un homme demande à des déménageurs d'assurer le transport de ses meubles. A leur arrivée, un terrain vague : la maison n'existe que dans l'imagination du vieux fou, ivre de tristesse et de nostalgie, dont l'esprit fragile n'a pas résisté aux mutations de son pays. Un récit trop appuyé et visant à susciter une émotion facile chez le spectateur.

Enfin, Spike Lee livre lui aussi l'une des meilleures productions de la commande. Il s'agit d'un documentaire sur les dernières élections présidentielles américaines qui ont vu le scandale du recomptage des bulletins de vote. Lee interroge les témoins de cet historique cafouillage et démontre que les élections ont été truquées de bout en bout. Le film s'achève sur l'une des phrases d'un des protagonistes : « nous avons été baisés ». C'est sans équivoque ! De même, le film de Lee, nerveux, incisif, ne laisse planer aucun doute sur la manipulation dont tout le monde a fait l'objet. Il y eut des remous dans la salle de projection et des réactions vives, ce film trouvant un écho avec les récentes élections françaises.

  Sandrine Marques

     Inside man
     Nosferatu - fantôme de la nuit
     Invincible