La Croix du Sud
Réalisé par Pablo Reyero
Avec : Letizia Lestido, Luciano Suard, Humberto Tortonese, Mario Paolucci
Scénario : Pablo Reyero
Titre Original : La Cruz del Sur
Durée : 2:00
Pays: Argentine
Année : 2003
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Le cinéma argentin promettait beaucoup. Avec les bonnes surprises de films comme Bolivia, El Bonaerense, Historias Minimas, Tan de repente, pour la plupart découverts à Cannes, c'est avec impatience qu'on attendait La Croix du Sud, première œuvre de Pablo Reyero. Une preuve de plus de la vitalité de ce cinéma sud-américain qui petit à petit gagne ses lettres de noblesse en Europe ?
Hélas, si ce galop d'essai regorge de qualités, force est d'admettre qu'il ne laissera pas de trace indélébile dans les mémoires des cinéphiles. Principale cause de cette déception : le scénario. A peine recyclé, le thème des marginaux, êtres condamnés d'avance et maudits, ne surprend pas et n'apporte rien de neuf. Trois petites frappes doublent leurs puissants associés lors d'une livraison de cocaïne. Avec le butin, ils espèrent se refaire une santé au Paraguay. C'est sans compter avec les chiens de chasse du parrain local.
Reyero pêche par paresse là où ses talents de directeur d'acteurs se révèlent indéniables. Les interprètes habitent avec sincérité leur personnage, à commencer par Humberto Tortonese, travesti tout en muscles et tendresse fragile, et Mario Paolucci, en père brisé, feignant de croire à des rêves impossibles, et digne jusque dans la mort, aussi minable et pitoyable soit-elle. Réussite également au rayon photographie, sombre, moite et drue, à l'image du chemin sans destination qu'empruntent les personnages.
Si la mise en scène ne brille pas par son originalité, elle demeure honnête. Tous les éléments participent de l'âpreté de la vie de ces damnés. A commencer par les décors, les éléments de la nature.
Les parents de Wendy (le travesti) et de son frère Javier vivent au Marquesado, une station balnéaire balayée par les bourrasques incessantes et agressives venues d'un océan constamment déchaîné. Déserté par ses constructeurs, les militaires, et par les touristes, l'endroit ressemble plus à un charnier : Rodolfo (le père) tombe sur des squelettes dès qu'il plante sa pelle dans le sable. Ciel couvert, forêt dense, plan d'eau vaseuse, port graisseux, bar miteux… Et au loin, un horizon impossible à atteindre. Une cavale qui tourne court. Les antihéros de Reyero, se déplaçant essentiellement de nuit, ne parviennent pas bien loin. Leur sort se joue en quelques jours. Les malfrats rattrapent les parents avant même qu'ils aient pu s'enfuir, la route de Wendy s'achève après quelques kilomètres parcourus sur un scooter moribond, et celle de Javier et de sa petite amie Nora dans une cabane au fond d'un bois.
Pas d'ennui, mais pas de surprise non plus. Pourtant, quelques choix de mise en scène laissent le travail futur du réalisateur encourageant. En témoignent ce plan sur un bébé qui réagit à l'exécution, hors-champ, de son père, ou encore la fin tragique des protagonistes, sans fioriture, teintées d'une violence brute et réaliste.
Moland Fengkov
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