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La Passion du Christ













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La Passion du Christ
Réalisé par Mel Gibson

Avec : James Caviezel, Monica Bellucci, Claudia Gerini, Maia Morgenstern
Scénario : Mel Gibson, Benedict Fitzgerald
Titre Original : The Passion of the Christ
Durée : 2:07
Pays : USA
Année : 2004
Site Officiel : La Passion du Christ
La liberté d'expression d'un auteur est le fondement même de l'art et, quelle que soit l'orientation religieuse de Mel Gibson ou la qualité de son film, il ne méritait certainement pas d'être la cible de cette croisade bigote lancée avant même la vision définitive de son œuvre. Un lynchage médiatico-religieux d'autant plus honteux que son film n'est pas plus anti-sémite qu'il n'est anti-romain : Gibson s'en prend clairement à la race humaine en général, épargnant seulement quelques personnages clés, qu'ils soient juifs ou romains.

Au-delà de cette polémique qui ne nous intéresse guère, plus problématique est l'œuvre en elle-même, passion cinématographique boursouflée condamnée d'avance par une réalisation voyeuriste bordant sur le sadomasochisme.

Dès la première scène, dernière nuit de recueillement tournée dans des tons bleutés et précédant une arrestation mouvementée filmée au ralenti, les intentions de Gibson sont évidentes. Le réalisateur se place comme un missionnaire, troquant la bible pour une caméra, bien décidé à convertir — ou éveiller — la génération post-MTV à l'aide d'un montage moderniste. Un choix d'autant plus douteux qu'il donne au film, au moins durant la première demi-heure, des airs de Xena, alliant des décors tocs à une cinématographie anachronique, tandis qu'une bande-son racoleuse oscille entre airs mystico-gothiques et World music. Etonnamment on se prend à rire de certaines aberrations stylistiques, en particulier de la goutte d'eau matrixienne et de la vision de l'enfer.

Il faut attendre la sortie du décorum pour que la caméra de Gibson s'anime enfin, nous laissant entrevoir quelques rares moments de grâce visuelle qui ne nous permettent hélas pas de passer outre l'approche volontairement outrancière du cinéaste. Le thème majeur de la Passion selon Mel Gibson est la souffrance du Christ et le réalisateur décline celle-ci ad nauseam, annihilant par la même son impact, plaçant le spectateur dans le rôle d'un voyeur sadique et Jesus dans celui d'un martyr masochiste. Tout commence par cette scène de punition au fouet interminable — 2 minutes auraient suffit à nous faire comprendre le message — puis continue avec un chemin de croix aux chutes incessantes, avant de s'achever par l'inévitable crucifixion. Le réalisateur démultiplie chacune de ces séquences à outrance, transformant irrémédiablement le corps du Christ en une sorte de bouillie sanguinolente à laquelle aucun être humain n'aurait pu survivre. Paradoxalement, c'est pourtant quand la caméra s'écarte de la violence pour se poser sur les yeux désespérés de Marie que le film prend une certaine ampleur émotionnelle. La passion tourne à la boucherie et si l'on considère ce film dans la continuité de Braveheart, ce mélange de violence gore, de grandiloquence et de tolérance exhibée à travers un prisme idéologiquement extrémiste, rapproche de plus en plus Gibson d'un A.W. Griffith — celui d'Intolerance et non de Birth of a Nation.

En se concentrant seulement sur les dernières heures du Christ dans lesquelles il intercale de trop rares flashbacks de la vie de Jesus, Gibson n'arrive jamais à créer une aura spirituelle, que ce soit pour son film ou pour son Jesus-Caviezel souffre-douleur. La dimension religieuse est belle et bien absente de cette Passion du Christ, le cinéaste, impuissant, ne parvenant jamais à faire de ce chemin de croix une expérience mystique, dépeignant la souffrance d'un homme plutôt que celle du Christ. Et c'est là que réside le plus grand échec de son film.

  Fred Thom





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