Avec : Sarah Polley, Ving Rhames, Kevin Zegers, Mekhi Phifer Scénario : sName Titre Original : Dawn of the dead Durée : 1:37 Pays : USA Année : 2004 Site Officiel : L'Armée des morts

Avec la volonté affichée de faire découvrir aux nouvelles générations le film culte de George A. Romero, tourné en 1978, Zack Snyder, réalisateur venu de la publicité, réalise un remake correct, mais sérieusement édulcoré, de Dawn of the Dead, chef d'œuvre de pessimisme.

En son temps, Romero dénonçait une société consumériste et faisait la démonstration glaçante que la barbarie ne se situait pas nécessairement du côté du primitif. La part de refoulé de nos civilisations modernes remontait à la surface trouble de la conscience, se répandait comme un phénomène endémique, contaminant jusqu'au regard du spectateur.

Que reste-t-il aujourd'hui du film implacable de Romero ? Sa tonalité générale et des scènes « gore » honnêtes, eu égard à leur écrasant modèle original. Le discours politique et existentialiste passe, en revanche, plus ou moins à la trappe, au profit de l'intrusion de l'humour, dimension à laquelle est attaché le réalisateur qui affirme ici sa touche personnelle. En somme, rien de bien novateur !

En revanche, les nouvelles techniques cinématographiques multiplient les possibles figuratifs. Snyder réussit des séquences liminaires qui valent pour leur efficacité. Avec un découpage nerveux (la scène d'exposition est réduite à son minimum), une utilisation bien sentie des effets spéciaux, il plonge d'emblée son héroïne dans l'horreur. Sarah Polley, figure du cinéma indépendant, incarne Ana, une infirmière dont la famille périt dès les premières minutes du film. Polley, dans un rôle très physique, effectue ici une reconversion réussie dans le film d'action.

Pour se soustraire à l'invasion des zombies, une poignée de survivants se réfugie dans un centre commercial, lieu métaphore s'il en est ! Romero situait également son propos dans ce décor, ô combien symbolique. Le groupe organise sa survie. Des rapports de pouvoir s'établissent naturellement dans cette communauté, réplique en miniature de la société de consommation. Trois vigiles de la sécurité imposent leur règlement arbitraire, avant d'être destitués violemment de leurs privilèges.

Tout comme chez Romero, l'angoisse naît de l'opposition entre intérieur et extérieur. Le centre commercial, forteresse imprenable et lieu refuge, fonctionne comme la réification du protectionnisme américain. Les zombies s'amoncèlent en nombre devant les portes de ce temple de la consommation, comportement atavique, signalé par l'un des personnages. Snyder, qui souhaitait introduire une touche d'humour dans le film désespéré de Romero, n'hésite pas à faire preuve de cynisme. A un moment donné, le film lâche littéralement prise, à l'image des personnages qui oublient la menace extérieure, pour jouir avec insouciance de tous les biens mis à leur disposition : vêtements, nourriture, jeux. Des séances de tir s'organisent depuis le toit sur des zombies, sélectionnés en fonction de leur ressemblance physique avec des personnalités connues. Mais ces reclus volontaires ne tardent pas à se lasser de leur Eldorado et rêvent de fuite sur une île déserte. Ce qui les attend dépasse en horreur toutes leurs représentations. D'ailleurs, avec un brin de sadisme, Snyder donne à voir leur triste destinée, à coup de séquences vidéo, façon Blair Witch Project. Nous recommandons au spectateur de rester assis jusqu'à la fin du générique !

Si ce projet improbable de remake réussit contre toute attente à susciter un intérêt amusé, il n'empêche que le générique d'ouverture interroge. Mises bout à bout, des images télévisuelles de chaos défilent… dont celle d'un groupe de musulmans à la prière. La portée de cette image laisse perplexe. Snyder a-t-il voulu nous faire part de son inquiétude face à la montée de l'islamisme intégriste, et par ricochets, du terrorisme ? Si telle est le cas, sa maladresse lui est fatale…

  Sandrine Marques