Avec : Pascale Bussières, Julie Gayet, Jean-Nicolas Verreault, Geneviève Bujold
Durée : 1:52
Pays : Canada
Année : 2002
|
|
Avec La Turbulence des fluides, la réalisatrice Manon Briand se joue des lois de la nature comme des clichés cinématographiques pour offrir un film poétique et léger.
Pascale Bussières incarne Alice Bradley, une femme indépendante spécialiste en sismologie qui travaille à Tokyo. Envoyée étudier la disparition insolite de la marée sur les côtes québécoises, elle se retrouve dans son village natal où certains phénomènes étranges semblent se manifester aussi chez les habitants.
Dans ce récit semi-autobiographique tourné dans son village natal, Manon Briand dresse le portrait d'une femme indépendante qui à force de fuir des relations passées est sans attache et en proie à la solitude. Son arrivée dans cette bourgade aura évidemment des conséquences sur la vie des habitants tout autant que sur la sienne.
Les femmes sont au centre de La Turbulence des fluides, Pascale Bussières, Julie Gayet et Geneviève Bujold tenant les rôles principaux, mais le film est plus une ode aux femmes indépendantes, lesbiennes ou bonnes sœurs qu'une œuvre féministe. L'influence d'une femme derrière le projet est évidente aussi par l'importance apportée aux émotions sans être toutefois réductrice puisque le seul homme du récit, Marc Vandal (Jean-Nicolas Verreault), est un être digne et loyal.
Manon Briand a bâti son film sur l'attraction de pôles opposés géographiques, sexuels et idéologiques. A la vie grouillante à Tokyo montrée d'une manière cinétique elle oppose le calme et l'ennui du village québécois sensé se trouver de l'autre côté de la terre. L 'attirance entre la lune et la terre, responsable de la marée semble être déréglé tout comme l'amour impossible entre Catherine (Julie Gayet) et Alice ou le jeu du chat et de la souris entre cette dernière et Marc. Alice, en tant que scientifique, est aussi mise en opposition par rapport à la religion. Non seulement l'appareil sismologique se trouve dans un couvent mais tout semble indiquer que tous les problèmes, la disparition de la marée et le comportement singulier des habitants, aient une origine surnaturelle et spirituelle. C'est là où se trouve toute la subtilité du scénario. Alors que l'on s'attendait à un tournant X-Files, Pascale Bussières nous remet en douceur les pieds sur terre. Son film est empreint de métaphores qui n'ont d'autre but que de symboliser le désir. Les thèmes de l'attraction et de l'opposition ont bien évidemment une connotation sexuelle.
L'eau est tout autant importante puisqu'elle symbolise la vie, la matérialisation du désir (les fluides) et la maternité. La renaissance d'Alice passera d'ailleurs par un baptême dans l'océan et un retour de la marée. Curieusement, cette allégorie est aussi présente dans Respiro d'Emanuele Crialese et trouve un écho dans Bleu Profond de Scott McGehee & David Siegel. Ces trois films ont pour héros une femme indépendante qui a une relation privilégiée avec l'eau, que ce soit l'océan Atlantique, la mer Méditerranée ou le lac Tahoe.
Si La Turbulence des fluides bénéfice d'une cinématographie très léchée pour un tel film, on regrettera cependant que certains passages ressemblent trop à un clip vidéo. Un parti pris qui non seulement dénote avec l'aspect intimiste du récit mais rend ces scènes superficielles. L'histoire d'amour entre Pascale et Marc a aussi des allures de roman photo, ce qui devra sans aucun doute déboussoler une grande partie des spectateurs n'appartenant pas à la gente féminine. Heureusement, le film ne perd jamais son sens de l'humour, et l'on se laisse prendre dans ses turbulences.