Le Château ambulant
Réalisé par Hayao Miyazaki
Scénario : Hayao Miyazaki
Titre Original : Howl moving castle
Durée : 1:59
Pays : Japon
Année : 2003
Site Officiel : Le Château ambulant
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Règne absolu du " tout est possible ", le cinéma d'animation suppose un infini pouvoir. Peu savent en faire quelque chose, il faut un souffle qui n'est pas donné à tout le monde, une capacité d'invention telle que le récit lui-même, ses modalités, vont s'en trouver changées. Le seul à tenir ainsi, film après film, sa réputation de grand inventeur de mondes, à y inscrire mieux que quiconque un merveilleux d'une richesse sans fond, ce n'est plus un secret pour personne, s'appelle Hayao Miyazaki. A ce point de permanence dans la réussite, on ne juge pas un film de Miyazaki à l'aune des critères habituels. Ses films seront simplement plus ou moins géniaux que les autres.
On s'en doute un peu, Le Château ambulant est encore un chef-d'œuvre, une nouvelle somme, un tout en un qui rassemble et synthétise tout ce qui est venu avant, manière de permanence, pour le cinéaste, condamné à faire perpétuellement le même film, en d'infinies variations. Qu'à cela ne tienne, point de fine bouche : en chaque opus, et celui-ci ne déroge pas à la règle, il est question de cette permanence induite par de perpétuelles métamorphoses. Chez Miyazaki, tout change et tout est pareil. Paradoxe ? Pas vraiment. Miyazaki est japonais. Il sait le sens du mot " équilibre ". Cela vaut pour le quotidien et le merveilleux qui s'accordent ici en bonne entente, pour le bien et le mal, opposition somme toute très occidentale, qui peuvent chaque fois habiter un même corps, un même personnage. De là, une capacité à surprendre malgré tout, à émouvoir toujours, en dépit des signes de reconnaissance qui s'accumulent pour le spectateur.
Pour Miyazaki, un signe n'est pas une chose en soi. Il importe surtout de le redistribuer à bon escient, à l'image du fameux château, cœur d'un récit centrifuge, à même de nous emmener partout à la fois. Forteresse tournante capable, selon la direction empruntée, de faire pivoter jusqu'au récit lui-même, de lui faire prendre un chemin qui ne lui sera jamais fatal, puisqu'il lui est loisible de revenir pour repartir ailleurs. C'est ce qui chaque fois étonne le plus : cette manière de travailler ainsi plusieurs pistes en même temps, de distribuer les signes selon des modalités qui peuvent changer à tout moment, et de la sorte, créer un monde gigogne, qui place le récit à un niveau symbolique dont les enjeux ne sont jamais donnés d'une pièce. Ici, une jeune adolescente, Sophie, est transformée en vieille dame par une sorcière jalouse, avant d'investir le château d'un jeune magicien, Hauru, jeune homme frêle et distant, qui ne sait pas toujours ce qu'il veut, tout-puissant mais victime d'une malédiction originelle qu'il faudra enrayer.
Le château est un monde à part, structure mouvante et brinquebalante au dehors, dont il ne paraît rien à l'intérieur, calme succession de pièces tenues par Sophie, engagée comme femme de ménage. Un cylindre directionnel permet de sortir du château dans plusieurs mondes, de sorte que sa porte principale peut être vue comme une faille dans la collure, une manière d'investir les quatre points cardinaux pour, d'un plan à l'autre, faire cohabiter les directions, les lieux, les formes. Fort de cette ubiquité géographique, le récit s'enroule donc sur lui-même, dévie selon les personnages rencontrés, les mondes parcourus. Chacun ici à droit à sa réelle part de fiction, même les personnages dits secondaires : un jeune garçon, un épouvantail à tête de navet, un feu de cheminée, un chien muet, tout comme chacun à droit de ne pas être ce qu'il semble. Ainsi de la " Sorcière des Landes ", responsable de la malédiction lancée sur Sophie, qui devient pour finir une mamie gâteau amatrice de cigares, ou de Suliman, magicienne toute-puissante, dont la bienveillance peut se muer en cruauté gratuite.
Toutes qualités répétitives d'un film à l'autre : on s'en voudrait presque de sembler chaque fois faire la même critique, d'y employer les mêmes arguments. Mais si chaque film de Disney, peu ou prou, ressemble au précédent, chaque oeuvre de Miyazaki dilue ses ressemblances dans le lot de ses surprises, loin de la redondance bête qui préside aux productions des descendants de l'oncle Walt. Une manière d'enfoncer le même clou, certes, mais jamais la même porte…
Sébastien Bénédict
Le Château dans le ciel
Kiki la petite sorcière
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