critique de Le Labyrinthe de Pan
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L'impétueux Guillermo Del Toro revient avec son sixième long métrage sur une période trouble de l'histoire hispanique, celle-là même qu'il investît pour L'Échine Du Diable. Loin des envolées pyrotechniques de Blade 2 ou Hellboy il entreprend de juguler ses propres penchants expansifs, d'expérimenter avec masochisme sur son film les perversions auxquelles l'histoire relatée est soumise. D'où le choix d'une structure dichotomique et aride (deux univers parallèles infernaux et oniriques peinant à se recouvrir) qui étouffe beaucoup plus qu'elle ne déploie un imaginaire ésotérique. A l'instar de l'époque féroce et sanguinaire qu'elle dépeint, l'œuvre est marquée du sceau de l'infamie et se consume spirituellement sous nos yeux nécrophiles - dès le premier plan la mort abhorrée de l'innocence est jetée en pâture. L'auteur assume donc pleinement ses velléités taxidermistes en auscultant une mythologie sobre et térébrante dans une circularité étriquée. Circonvolutions des personnages, mouvements de caméra tout en rondeurs, clairières placentaires et amnios du conte entreprennent de figer - figurativement, esthétiquement - les émanations de l'enfance. Ainsi l'absence de dialectique entre les deux pans de l'intrigue se fait rédhibitoire car le film agence deux strates défuntes scellées par un orbe démiurge, au risque d'instiller une stase un brin fastidieuse notamment lors des transitions. Tapis dans l'horreur baroque de ce cauchemar fluide du premier âge, les monstres sont plastiquement repoussants mais statiques, monolithes de malveillance contenue, tandis que les adultes au contraire brillent par leurs actions : bourreaux - Sergi Lopez magnifique en tortionnaire détraqué et rongé par le poids de la filiation - ou intrépides scintillent au gré des abjectes exactions. La sauvagerie de la réalité n'a alors de cesse de hoqueter sur le bestiaire foutraque du monde souterrain et le malaise d'envahir l'écran tant les deux échappatoires deviennent anxiogènes. Indissociable de l'entreprise cet aspect scénaristique devient progressivement, mais non sans une certaine élégance, déceptif car il grippe l'ampleur d'un récit voué dès lors à l'étiolement - la complexité de façade s'effrite sans achoppements salvateurs, sans anfractuosités où se lover. La métaphore mortifère est certes patente mais trop mécanique tant l'omniscience du créateur-exégète se ressent dans le moindre angle de filmage ou le plus infime grain de poussière du studio. A force de décharnements ou de décortications les légendes s'éteignent au creux de limbes assoupis et cruels. |
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