Avec : Ioan Gruffudd, Jessica Alba, Chris Evans
Scénario : Mark Frost
Titre Original : Fantastic Four
Durée : 1:46
Pays : USA
Année : 2005
Site Officiel : Les 4 Fantastiques
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Devant la déferlante des adaptations Marvel et DC comics il est délicat de séparer le bon grain de l'ivraie. Pour deux Spider-Man délicatement surannés, un Blade II alambiqué ou un Constantine désemparé combien d'ineptes Daredevil, Catwoman et consorts ? C'est dans ce contexte que se profile Les 4 Fantastiques, tiré de l'oeuvre fondatrice de Stan Lee et Jack Kirby. Le long métrage annonce d'ailleurs promptement la couleur : deux des innocents personnages sont plantés au pied d'un pharaonique immeuble oblong, écrasés par le mythe et impuissants à discerner les cieux.
Un sentiment défectif endémique en découle. Se manifestant pas tant sur les fondements de l'intrigue - les tribulations de quatre scientifiques dont les gènes sont altérés alors que, en orbite terrestre, une tempête cosmique les traverse et dont les corps se voient munis de potentialités hors du commun (invisibilité, élasticité, combustion, minéralisation massive) - mais surtout dans l'abandon du caractère psychologique de l'ensemble. Les Fantastiques étaient en 1961 l'archétype du noyau familial hybride, une minorité dans une société en évolution, adulée pour sa bravoure mais n'échappant pas aux troubles identitaires sur sa cohérence et son intégration. Le couple Red/Susan annonçait ainsi la redistribution des rôles à l'aube d'une nouvelle parité.
Le projet déflationniste conduit par Tim Story renie donc toute dimension cognitive pour se concentrer sur l'organique. Nous pourrions le reprocher au concepteur s'il ne soutenait cette volonté par la mise en scène épurée d'un script taillé au cordeau. En effet, pas un rebondissement qui ne soit essentiel, pas une ellipse qui ne soit calibrée et pas une blague potache du couple Torche/Chose qui ne soit parfaitement agencée dans les strates d'un film efficace - dont le départ en exil du veule Fatalis est un subtil apologue. Tout se passe comme si chaque élément déférent était non seulement vidé de sa substance mais doucement pétrifié en une pièce d'un échiquier limpide. Le corps se fait vortex hiératique happant crédibilité des acteurs, afféteries stylistiques et embardées narratives ; le superflu évanoui ne demeure que les structures osseuses et musculeuses.
Corollaire de cette dégénérescence latente, de cette débâcle somatique tranquillement assumée, l'obédience tactile. L'intégralité de la prise de conscience du changement, et donc de la rythmique, passe par la préhension. Des doigts trop épais pour saisir une alliance abandonnée, à l'embrasement d'un membre, à l'élongation d'un appendice ou à la pétrification, tout se résume par le cadrage scrutateur d'une main. Ce contact traduisant la vérité des êtres, une jeune aveugle nous instruit sur le travail du toucher auquel la plantureuse Susan se soustrait habilement.
Si les effets spéciaux s'intègrent fort bien à l'action, le long métrage expose sa mécanique huilée à un décalage fortuit en incorporant de nombreux transfuges du petit écran : Jessica Alba (Dark Angel) remise en selle par Sin City, l'excellent Michael Chicklis (The Shield) et Julian McMahon (Nip/Tuck). La trame mixe alors l'évocation de la mutation inextricable de ces acteurs avec la transfiguration de protagonistes luttant avec les changements s'opérant à l'intérieur et à l'extérieur d'eux-mêmes. L'identification n'est cependant pas totalement efficiente du fait de la subsistance des oripeaux cathodiques : la bête humaine, bloc de violence larvaire, se fait amas de briques, la belle sexy en diable s'exhibe avec honte, se dénude dans l'invisibilité, enfin le chirurgien plasticien mono-expressif observe une estafilade prendre possession de ses chairs maléfiques. Alors qu'il aspire à la rectitude, les réflexes saltimbanques du cinéaste surgissent pour un constant jonglage entre deux pôles - fiction et réalité -, les deux poings de sa création.