Avec : Valeria Golino, Vincenzo Amato, Francesco Casisa, Veronica D'Agostino Durée : 1:35 Pays : Italie/France Année : 2002 Web : Site Officiel

Dans Respiro, Valeria Golino interprète avec brillance Grazia, une femme dont les rêves débordants s'accordent mal avec la mentalité des habitants d'une petite île sicilienne. Le directeur Emanuele Crialese a créé une belle fable sur les thèmes de la jalousie, de la cruauté, de la sexualité et de la tolérance sur un bout de rocaille méditerranéenne.

Le film est basé en partie sur une légende que Crialese découvrit durant un séjour sur l'île de Lampedusa. Après la disparition mystérieuse d'une femme considérée folle, les habitants, la présumant noyée, joignirent leurs prières pour la voir ensuite réapparaître. Le réalisateur prend soin d'éviter la caricature : ni il ne s'apitoie sur les conditions socio-économiques de l'île, ni il n'offre une galerie d'italiens farfelus et cancaniers.

Grazia est le cœur de l'histoire. Femme d'un pêcheur affectionné et mère de trois enfants, elle est indolente et jugée un peu folle à cause de son comportement excentrique. Grazia peut être aussi tumultueuse ou calme que la mer. Elle passe ses journées à se reposer, se balader ou à se baigner nue, au grand dam de ses enfants. Elle est tolérée jusqu'à ce qu'elle provoque une explosion de violence après avoir libéré tous les chiens errants du village. Sa réhabilitation devient vitale, mais au prix de quelques sacrifices.

Lampedusa et ses habitants sont une partie intégrale de l'histoire. C'est une belle île sans avenir qui subsiste seulement grâce à la pêche. Les hommes prennent la mer tandis que les femmes fabriquent des conserves. Les garçons qui s'amusent en bandes et s'affrontent dans les ruines, ont une culture plus violente que ceux de Malena. La ville a un rapport difficile et cruel avec les chiens sauvages qui peuplent l'île. Pasquale (Vicenzo Amato), le mari de Grazia, devient même jaloux du chien de celle-ci après l'avoir découvert sur son lit, à côté d'elle.

Elle a aussi une relation inhabituelle avec ses fils qui officient comme des rivaux pour canaliser son affection. Ils sont toujours en compétition, que ce soit pour la faire se rhabiller, lui peindre les ongles ou essayer de la contrôler. On peut même percevoir un courant sous-jacent incestueux qui lui permet d'exercer un pouvoir sur eux, mais cela ne va pas plus loin. L'éveil à la sexualité est aussi présent dans une scène attachante où des filles dessinent un tatouage sur la poitrine des garçons puis les abandonnent, les laissant sur leur faim.

Les moments plus dramatiques du film sont contrebalancés avec une certaine affection montrée envers les Lampedusiens. La différence culturelle entre la famille de Grazia et les insulaires est accentuée lorsque sa fille commence à flirter avec un jeune policier. Son plus jeune frère, Filippo (l'épatant Filippo Pucillo) montre alors clairement son mépris.

Crialese utilise avec efficacité les éléments. L'eau est et rédemptrice et destructive tandis que le feu est purificateur. L'île déboisée est escarpée et aride, les villageois ayant aussi une certaine âpreté qui semble être le résultat de leur adaptation à cet environnement. Le spectateur peut presque sentir l'odeur du poisson ou du sang après le massacre des chiens.

Le jeu des acteurs est impeccable, d'autant plus que la plupart ne sont pas professionnels. Amato, un sculpteur dans la vie réelle, fait de son personnage de pécheur, une espèce d'ours. Le ténébreux Francesco Casisa a certainement un avenir devant lui tandis que le jeune Filippo Pucillo regorge de vitalité. Golino sait parfaitement se montrer ensorceleuse avec une touche d'irréalité qui sied à cette fable. Sa force de caractère conjuguée au fait qu'elle ne semble pas vieillir la rend d'autant plus séduisante.

Respiro est une bouffée d'air frais pour les cinéphiles assoiffés de poésie cinématographique.

  Anji Milanovic