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A LA UNE | A - I | I - P | Q - Z

In the Cut
Jane Campion
Le Monde de Némo Jane Campion délaisse ses vieux chiffons et ses crinolines (ou ses films en costumes) pour un thriller urbain, poisseux et stylisé, ayant pour toile de fond une sombre histoire de femmes assassinées. Le récit s'étire laborieusement et la réalisatrice enchaîne les scènes ni fait ni à faire. Dès leur amorce, on se dit qu'il va falloir s'accrocher vaille que vaille à ces séquences mal ficelées, dépourvues de rythme. Le film souffre d'un grave problème d'écriture lié à une adaptation trop littérale et figée du roman de Susanne Moore, A Vif. L'absence de partis pris, si ce n'est formels, plombe un récit qui s'étiole à n'en plus finir. La réalisatrice ne vise qu'à instaurer une ambiance glauque, en usant de flous et de décadrages qu'elle décline ad nauseam. Campion s'encanaille jusqu'à filmer une inutile scène de fellation en gros plan, à laquelle assiste une Meg Ryan transfigurée par son rôle. On a connu la réalisatrice beaucoup plus inspirée et dérangeante, avec une économie d'effets et de moyens. Sweetie, en ce sens, demeure son film le plus intéressant.
Sandrine Marques

I Robot
Alex Proyas
I RobotLibrement inspiré de l'univers du visionnaire Isaac Asimov, I Robot s'impose comme un film à l'univers visuel dense et à l'intrigue plutôt bien tenue. Tout entier resserré autour de la figure du flic interprété par Will Smith, dans un grand numéro narcissique, le film pose la question classique de la part d'humanité et de sa subsistance dans un monde régi par la robotique. Ici, l'action prend le pas sur la métaphysique, plus largement développée dans des œuvres comme A.I ou Minority Report. L'accent est mis sur une enquête menée tambour battant par un policier brisé qui voue une haine et une méfiance viscérales à l'égard des nouvelles technologies. Alex Proyas, auteur de Dark City ou de The Crow, touche ici rapidement ses limites. Comment donner à ses personnages une réelle épaisseur quand l'auteur semble avant tout privilégier l'aspect graphique de son film ? La jolie scientifique (Bridget Moynahan) est réduite aux utilités. Faire valoir du héros machiste, elle n'a aucune dimension. Le personnage numérique du robot tueur, plutôt bien animé, a paradoxalement plus d'envergure ! Manque à I Robot cette inquiétude, vite étouffée par des scènes d'action ou d'émeutes urbaines, certes efficaces et tendues. Dans 2001, L'Odyssée de l'Espace, Kubrick était parvenu à insuffler une menace latente et diffuse, avec une économie d'effets et de moyens saisissante. Eminemment anxiogène, la présence du robot Hal contaminait tout l'espace filmique, le rendant claustrophobe. En dépit de sa transparence, I Robot n'en demeure pas moins une production estivale honnête. — Sandrine Marques

Je suis un assassin
Thomas Vincent
Je suis un assassinThomas Vincent signe un film ampoulé et improbable, stylisé à l'extrême, à dix mille coudées de la simplicité lumineuse de son premier film, Karnaval, qui l'avait fait remarquer. Sur un scénario abracadabrant, les acteurs se débattent dans la lumière solaire du sud, pour faire exister des personnages stéréotypés. Un écrivain sur le déclin (Bernard Giraudeau, en plein cabotinage) propose un pacte faustien à un auteur talentueux (François Cluzet) mais inconnu : tuer une épouse encombrante contre la publication de ses écrits. Bien évidemment, le contrat recèle des failles (à l'instar du scénario et de ses béances multiples !) et se retourne contre ses instigateurs. Thomas Vincent tente d'instiller un climat inquiétant, un univers gangrené par la dépression et la folie. Mais la direction d'acteurs désastreuse les réduit à la pantomime. Le final immoral, qui voit le triomphe de l'ambition et de l'arrivisme, frise le ridicule, comme nombre de scènes casse-gueule, ni fait, ni à faire, dans lesquelles s'engouffre avec un jusqu'au-boutisme suicidaire le cinéaste. Seule Karin Viard tire son épingle du jeu (de dupes) grâce à son sens inné du décalage. Film noir sous le soleil, Je suis un Assassin n'atteint pas ses objectifs et se perd dans les méandres d'un cinéma chic et toc. — Sandrine Marques

J'me sens pas belle
Bernard Jeanjean
J'me sens pas belleElle (Marina Foïs), célibataire endurcie, a décidé ce soir de passer la vitesse supérieure : elle va tout faire pour séduire le collègue (Julien Boisselier) qu'elle a invité chez elle. Mais une simple et improbable aventure d'un soir peut déboucher sur le grand amour. Au final, une comédie romantique sans grande prétention, une petite fraîcheur bien agréable, portée par ces deux seuls acteurs, admirables.
Marina Foïs, décalée, révèle ici sa part de féminité. Ainsi, sous couvert de comédie, servie par des dialogues qui font mouche, de jolis moments de tendresse affleurent (comme la courte chanson de Marina sur le trentenaire célibataire par exemple). Julien Boisselier, lui, et malgré un slip d'un goût douteux, séduira à tous les coups les spectatrices, tant par son jeu, d'une grande justesse, que par le personnage de Paul, un homme en quête de vérité, et qui s'en ira repousser Fanny jusque dans ces derniers retranchements. Bernard Jeanjean et ses deux acteurs impeccables arrivent à tendre de bout en bout en bout ce huis clos attachant. Une gageure ! — Bertrand Lhomme

Kamchatka
Marcelo Pineyro
KamchatkaLe Kamchatka, petite région reculée de l'Asie, ne trouve pas seulement une résonance chez les géographes. Mais surtout chez les amateurs d'un célèbre jeu de société : Risk. Dans son nouveau film, Marcelo Pineyro met en scène, non pas des joueurs, quoique, mais une famille d'intellectuels fuyant la dictature militaire argentine installée au pouvoir après la chute du président Allende. Plus qu'un film sur les événements politiques qui changèrent la face de ce pays meurtri, Kamchatka parle davantage de la transmission. Celle de parents soucieux de préserver l'insouciance de leurs enfants, inhérente à la jeunesse. Racontée du point de vue du fils aîné, alors âgé de 10 ans, le récit suit le quotidien de la famille, cachée dans une maison de campagne, coupée du monde, chaque membre identifié sous un faux nom. Ainsi, le père, rebaptisé David Vincente, rapport à la série télé où des extra-terrestres envahissent le monde. Ainsi l'aîné, désormais appelé Harry, comme Houdini, cet artiste de l'évasion dont il trouve un livre narrant ses exploits, ultime legs des précédents occupants de la maison. A son tour, lorsqu'il sera temps de fuir, Harry passera le relais en cachant ce véritable manuel de survie. Tout comme son père lui glissera à l'oreille une ultime leçon, un conseil, enseigné lors de l'une de leurs parties de Risk, où un territoire résista seul face à une armée entière d'envahisseurs. Résister, espérer : telle est la leçon de cette histoire racontée avec pudeur. Mise en scène consensuelle, certes, mais un sens du détail qui fait mouche. Ici, les symboles se cachent dans les gestes et les paroles les plus anodines. Les messages d'espoir se lisent sur les visages, s'entendent dans les mots qu'on ne prononce pas, se dévoilent derrière des regards embués et blessés. — Moland Fengkov

Le Monde de Némo
Andrew Stanton
Le Monde de Némo Quel est le point commun entre une bouteille de Coca Cola et la dernière production des studios Disney ? Tous deux viennent des Etats-Unis ? Non. La bouteille de coca finit par perdre ses bulles pour se transformer en un liquide plat et sirupeux, tout comme Le Monde de Némo, dont le récit ne tarde pas à s'éventer. En dépit de la prouesse technique (reproduire un univers aquatique réaliste) sur laquelle se sont largement appesantis les créateurs, force est de constater que les studios Disney peinent à se renouveler. Il s'agit là encore d'un énième récit initiatique, avec morale chichiteuse à la clé : « il faut faire confiance à ses enfants et les laisser grandir ». Depuis Bambi (on retrouve ici la même scène primitive avec la mort de la mère), les enfants ont bien grandi ! Les références cinéphiles à Shining et aux Oiseaux s'adressent pourtant bien aux adultes. Malgré ces clins d'œil, les créateurs ne font guère preuve d'originalité. Les personnages, caractérisés sommairement et dont l'animation relève du plus hideux anthropomorphisme, ne laissent pas un souvenir impérissable dans les esprits. Plat et sans bulles ! — Sandrine Marques

Open Water
Chris Kentis
Open WaterFilm à petit budget américain, comme il en existe des centaines sur les étagères des vidéo clubs, Open Water s'offre une sortie remarquée en salle. Oubliés par l'équipage d'un bateau de plongée, Susan et Daniel attendent les secours en pleine mer, au milieu des requins. Tel est le maigre scénario sur lequel se fonde cette énième bande dédiée aux prédateurs marins. Chris Kentis (qui occupe les postes de réalisateur, scénariste, directeur de la photographie et monteur) prend le contre-pied de Spielberg et de ses Dents de la Mer en s'attachant à rendre le film le plus réaliste possible. Les deux acteurs principaux — qui s'en sortent avec les honneurs — ont donc réellement baigné au milieu des requins pour les besoins de scènes particulièrement spectaculaires et le tournage s'est effectué à l'aide de caméras DV, renforçant ainsi l'aspect documentaire de l'image. Mais si l'audace visuelle est de mise, celle-ci ne peut remplacer un scénario riche et bien construit ; on se surprend alors à bâiller entre deux frissons, chose d'autant plus surprenante que le film ne dure qu'une heure et vingt minutes... Pourtant, l'excellente dernière partie du récit rehausse grandement l'intérêt d'Open Water qui, au lieu de sombrer dans les abîmes de la série B, s'inscrit alors comme un film de terreur sincère et dérangeant. — Nicolas Lorenzon

Osama
Sedigh Barmak
OsamaTous les regards se concentraient sur Osama, en raison de son caractère « premier ». A la fois premier film du réalisateur Sedhig Barmak, qui fait une entrée sur la scène cinématographique par la grande porte (Caméra d'Or à Cannes), mais surtout première œuvre issue d'une cinématographie libérée du joug du régime taliban. Osama ne fait pas référence à l'affranchissement de la population afghane mais à cet « avant » de l'oppression. Film témoignage en somme, œuvre viscérale mue par la nécessité d'évoquer ces années noires où l'Afghanistan était plongée dans l'obscurantisme. Barmak dresse un portrait réaliste d'une fratrie morcelée. Les femmes, assujetties à la loi inique des hommes et du Divin, sont les victimes désignées des régimes intégristes. Pour échapper à leur tragique condition et assurer la survie de la famille, une mère travestit sa fille pré pubère. Revêtue de ces oripeaux, Osama travaille, la peur au ventre. La crainte d'être démasquée accompagne le quotidien de la fillette. Barmak rend bien compte de ce climat suffocant de peur permanente, corrélé à une délation qui faisait rage sous le régime taliban. Cependant, tout film à thèse a ses limites. Barmak les atteint très vite, en « chargeant » le parcours de sa jeune héroïne. Envoyée à l'école coranique, elle est découverte et mariée de force à un mollah débauché et pervers. La démonstration finit par être malheureusement trop appuyée. — Sandrine Marques

   





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