critique de Summer Palace
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L'action prend place peu avant les événements de la place Tien An Men en 1989, dans une Chine rurale, où une jeune fille, Yu Hong, commence un apprentissage douloureux. Lou Ye invente, sur le mode de la chronique amère, un vrai personnage d'héroïne moderne, dont le corps s'inscrit de plain-pied dans le contemporain. Peu après avoir été déflorée, la belle quitte son petit ami pour rejoindre l'université de Pékin, où elle rencontre son grand amour. Relation conflictuelle, passionnée. Les névroses de l'éperdue et sensible Yu Hong font jour. Le couple se sépare et l'étudiante enchaîne les relations et ruptures, lesquelles se superposent à celles de l'Histoire, un tissu sans couture, tramé avec pertinence par le réalisateur chinois. Le recours parcimonieux aux images d'archives se fait sans ostentation et toujours au service d'une dramaturgie fluide. Le mur de Berlin s'effondre, la Russie met fin à la perestroïka. Caméra à l'épaule, Lou Ye filme une jeunesse mouvante et émouvante. Corps en mouvement, en quête d'émancipation. Summer Palace frappe par une sensualité, longtemps bridée par les autorités chinoises. Les scènes de sexe intense s'installent dans une durée de l'amour. Plus d'une décennie s'écoule et les espoirs portés par les corps s'éteignent. Au terme d'un parcours chaotique, la jeune femme tourmentée retrouve son amour perdu. Yu Hong ou le temps d'un retour. Sèchement abandonnée par son amant, l'héroïne retourne à une vie normée, à l'instar des autres protagonistes d'un film mélancolique et bouleversant. Il en va des amours malheureuses comme de l'histoire et de ses turbulences. Un flux qui vous happe intensément et vous emporte au plus profond. Lignes brisées, retours et renoncements, attentes déçues, Summer Palace s'impose comme le commentaire lyrique de l'histoire par des corps éreintés. |
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