Film plaisant, exotique et cynique, The Beach réalisé par Danny Boyle (Trainspotting) n’a d’autre ambition que de divertir, ce qu’il réussit pleinement.
Leonardo Di Caprio y interprète un jeune routard américain en quête de plaisir et d’aventure qui, avec la compagnie d’un couple de français, part à la recherche d’une plage idyllique, un paradis caché au milieu des îles thailandaises.
Le scénario tient en fait en ces quelques lignes et le film se concentre principalement sur la découverte de ce paradis perdu et l’intrusion d’étrangers, en l’occurrence un américain et deux francais (deux civilisations plutôt envahissantes) au sein d’une société refermée sur elle-même. Si ce thème a déjà été maintes fois traité, on ne peut pourtant reprocher à Boyle l’absence de scénario alambiqué. Le film est monté autour de son personnage principal et reflète ainsi son style de vie. Aucun style de vie n’est en effet moins calculé et calculateur que celui d’un routard. Ces personnes sans attaches n’ont pour but que de voyager et mènent une vie où l’improvisation, une improvisation certes efficace, est de règle. Et c’est dans cet état d’esprit que le film se déroule, le personnage principal allant toujours de l’avant avec une insouciance matinée de folie douce, faisant de The Beach un film hédoniste à l'image de son héros.
Le deuxième aspect du film est sans aucun doute son ironie omni-présente, voire cynisme à l’encontre de ses personnages. Leonardo Di Caprio y campe parfaitement un "envahisseur" américain insouciant et égoïste, en fait un anti-héros, qui constamment véhicule une certaine dérision qui amène l’humour du film. Et comme le dit si bien le personnage de Virginie Ledoyen: "tu racontes le genre de bêtises qu’un américain raconte à une française pour la mettre dans son lit." Et tout au long du film, Boyle enfonce son héros de plus en plus jusqu’à l’ultime ridicule de sa propre fantasmagorie qui tourne à la folie. L’ironie concerne aussi les hippies et leur société idyllique. Ces voyageurs rèvent d’enfin s’établir mais se retrouvent dans une société fermée égoïste et qui est, comme dans le reste du monde, réglé par le rythme du travail et des loisirs. Boyle ajoute autant plus d’ironie que la plage n’est pas aussi fantastique que l’on aurait especté, mais au contraire dégage une certaine claustophobie car fermée par des falaise et non ouverte sur le reste du monde et le rêve. Il en profite d'ailleurs pour anihiler les derniers espoirs de paradis perdu puisque, à l'image de cette île, il n'y a plus d'endroits qui n'ait été foulé par le pied de l'homme à l'aube du XXIème siècle. Le chef du groupe (Tilda Swinton) est une femme intransigeante, quasi-tyrannique et qui abuse de son pouvoir alors que le petit groupe n’a aucun problème à co-habiter avec ses voisins trafiquants de drogue, sacrifier les siens, et remettre en cause son autarcie pour quelques gadgets du monde civilisé. On est ainsi bien loin du monde parfait escompté, mais au contraire dans un monde noyé dans sa propre illusion de paradis, un monde en fait unique point de chute pour une bande de marginaux inadaptés. Et pour renforcer cette sensation d'un autre monde, il y a un rite d’entrée qui consiste en un plongeon d’une falaise pour accéder au campement.
Le troisième aspect du film est son hommage direct à Apocalypse Now, un film qui subjugue aussi son rôle principal. De la projection du début au personnage fou fondateur de la colonie (Daffy, une croustillante caméo de Robert Carlyle) réminiscent de Kurz (Marlon Brando) , de Di Caprio qui subjugué par son "mentor" est contaminé par sa folie tout comme Martin Sheen dans le film de Francis Ford Coppola, aux bruits d’hélicoptères, en passant par le décor de la jungle et certains plans calqués comme la tête de Di Caprio sortant de la trappe telle celle de Sheen sortant de l’eau.
Le jeu des acteurs est quant à lui assez bon, puisque Di Caprio, au contraire de sa minable prestation dans Titanic, est parfait et amusant en loser, alors que Virgine Ledoyen apporte la French touch sensée faire craquer les américains. Tilda Swinton (Orlando) y apporte aussi la froideur et la poigne de fer nécessaire à un tel rôle. La bande son a une place importante, puisque comme pour Trainspotting, composée de morceaux techno efficaces soutenant le film mais aussi y apportant son rythme ainsi que son côté branché, signature du style Boyle.
Evidemment, le film ressemble étrangement au Seigneur Des Mouches, et tend à une simplicité presque enfantine. Autre ressemblance indigeste, les points communs avec le pitoyable Six Jours Sept Nuits tel le décor, la scène de plongeon et le thème récurrent des "méchants trafiquants" venant briser le paradis. A celà ajoutez certains symboles trop visibles comme le requin, premier danger de ce bonheur fictif. Une réalisation donc maladroite par moments et inégale qui oscille entre des clichés exotiques, et l’originalité et l’humour du réalisateur anglais; un mariage qui ne réussit pas toujours.
The Beach est une plage de détente bienvenue, et innoffensive, un film conventionnel loin de l’explosif Trainspotting, qui ne saurait décevoir si on le prend pour ce qu’il est, et non pour une oeuvre philosophique roborative.