Avec : Javier Bardem, Juan Diego Botto, Laura Morante, Elvira Mínguez Durée : 2:13 Pays : USA/Espagne Année : 2002 Web : Site Officiel Basé sur : Roman

Avec The Dancer Upstairs, John Malkovich a créé un thriller politique intense et le portrait complexe d'un homme qui doit choisir entre ses états d'âme et l'avenir de son pays. Dans un pays sud-américain en crise (qui ressemble étrangement au Pérou), le détective Agustín Rejas (Javier Bardem) suit les traces du chef d'un groupe terroriste responsable d'une série attentats sanglants tandis que ses supérieurs, en proie à la corruption, n'offrent guère une meilleure alternative.

Rejas est lancé sur la piste d'Ezequiel, le commandant d'un groupuscule mystérieux qui accroche des chiens crevés porteurs de messages énigmatiques aux réverbères, transforme des enfants en porteurs de bombes et des jeunes filles en assassins. Dans une scène, une compagnie de théâtre choisit plusieurs personnes dans l'auditoire, puis les exécute, offrant une résonance terrifiante qui rappelle la récente prise d'otages dans un théâtre russe.

Après avoir quitté son boulot d'avocat, Rejas travaille maintenant pour une agence gouvernementale corrompue. Son personnage se situe à la croisée de deux mondes. Marié à une femme superficielle qui vend des produits de beauté, il est originaire de la campagne et parle Quechua couramment. La terreur des attentats officie comme un catalyseur, les deux époux se réfugiant d'autant plus dans leurs passions — pour lui le travail, pour elle la vente de produits — et ne formant ainsi jamais véritablement un couple à l'écran. Rejas va même jusqu'à essayer de combler son manque d'affection avec la prof de danse de sa fille.

Bardem, après sa brillante interprétation dans Before Night Falls crée un personnage profondément complexe mais dont les convictions sont solides. Il assume ses responsabilités jusqu'au bout et est capable de transmettre sa confiance à son entourage et aux spectateurs. C'est un homme foncièrement bon mais loin d'être parfait, un idéaliste. Ses yeux tristes observent la souffrance de son pays mais voient au-delà. Lorsqu'il retrouve une jeune terroriste en train d'agoniser et tente de la l'aider, celle-ci lui jette du sang à la figure. Sans pour autant trouver des excuses pour les actes des terroristes, il est bien conscient des conditions qui ont mené à une telle situation. Une grande part de son charme réside dans son sens de l'ironie qui, en dépit des circonstances, reflète l'espoir.

A plusieurs reprises, Malkovich montre la vie d'un homme intelligent qui pourrait avoir un travail plus intéressant et lucratif (il est rarement payé dans les temps). Sa position s'accorde cependant avec son mode de vie et son statut d'homme de terrain plutôt que bureaucrate, ce qui lui permet de voyager de la capitale à la plantation familiale (qui a été confisqué par les militaires et laissée à l'abandon). Il obtient des informations sur Ezequiel en parlant avec des Indiens dans des bus ou des enfants rencontrés dans la rue, ainsi qu'en fouillant les poubelles.

Malkovich décrit aussi adroitement la naissance de la légende d'Ezequiel que ce soit à travers les chuchotements, la découverte de messages mystérieux, les actes de violence et l'utilisation de pauvres gens pour perpétrer des attentats suicides. Quand un enfant travaillant pour Ezequiel est attrapé et menacé d'être exécuté, celui-ci répond « je suis déjà mort ». Quand Ezequiel est arrêté, on se rend compte qu'il n'est qu'un viel homme qui porte un cardigan.

Certaines scènes du Dancer Upstairs choqueront probablement ceux pour qui la solution est tout simplement d'attraper et tuer tous les terroristes. Malkovich montre que c'est beaucoup plus compliqué que cela.

  Anji Milanovic