Repo Man
Réalisé par Alex Cox
Avec : Emilio Estevez, Harry Dean Stanton, Tracey Walter, Olivia Barash
Scénario : Alex Cox
Durée: 1:32
Pays: USA
Année: 1984
Site Officiel : Alex Cox
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"Otto est un punk, un vrai, un vintage. Il écoute les Black Flag et les Circle Jerks, danse le pogo alors que le crépuscule se couche sur L.A. Le matin où on le découvre, lui et son pote fan du jingle 7Up se font virer d'un « 7-11 » parce qu'Otto est un peu arrogant. En tant que punk vintage, il a le « Fuck » facile. Fuck that. Le soir même, un autre pote, le bien nommé Dick, tout juste sorti de prison, arrive à niquer sa meuf le temps qu' Otto aille chercher une bière. Mauvais plan. Fuck that, mais plie bien mon fute. Au bout du rouleau, il va quémander à ses parents l'argent qu'ils lui ont mis de côté pour la fac alors qu'il n'a pas encore fini le lycée et que de toutes manières, la fac, il n'ira pas. No way, l'argent est parti dans la poche d'un télé-évangéliste. La mort au fond du bide, une nuit passée avec un copain résigné, Otto sait qu'il ne se laissera pas faire. Quand le lendemain matin il se fera involontairement engager par un repo man, le pire boulot au monde (version capitalist-pig de l'huissier), les 50$ que ça lui rapportera suffiront à le convaincre de s'engager dans la voie sur laquelle il vomissait dix minutes plus tôt. Un punk. Un vrai. Un vintage. Au loin retentit une chanson déclamant d'une voix monotone que « Pablo Picasso was never called an asshole ».
Un quart d'heure plus tôt, une Chevrolet Malibu se faisait arrêter le long d'une highway désertique. L'homme au volant a l'air fou. Le policier motorisé qui inspecte son coffre est bientôt désintégré dans un flash fluo du meilleur effet. Deux minutes plus tôt, Iggy Pop finit de chanter le générique.
Commence alors un film fou, d'une rare liberté malgré une narration linéaire et très classique. Vous aurez droit à une fable philosophique urbaine et contemporaine, un western motorisé, un film de science-fiction tout droit hérité du Kiss me Deadly de Robert Aldrich, une teen-age romance amère, une préhistoire à X-Files et un film d'action singulier dans lequel un gang de punks enragés vont « manger des sushis et pas payer !!! »
Mais plus que tout, Repo Man demeure après presque vingt ans LE seul manifeste punk assumé et frontal que le cinéma nous ait livré. Pas un documentaire, mais une fiction, contemporaine au Decline of the Western Civilization de Penelope Spheeris, qui montre la difficulté existentielle d'être un jeune « White suburban punk » dans les années reaganiennes de manière plus que subjective. Miroir de la perception de son réalisateur, Alex Cox, au passif démonstratif, à l'avenir qui n'a fait que confirmer ses choix : fils de Peckinpah, Kurosawa, Bunuel et Corbucci, Cox est peut-être un des premiers réalisateurs à se revendiquer du cinéma de genre européen qui a marqué les années 70, et pour cause : Cox est un anglais, étudiant extradé à Los Angeles pour des études de cinéma et comme (genre) toute première ouvre est autobiographique : ex-repo man.
Dans l'avenir, il connaîtra un certain succès avec sa biographie controversée de Sid Vicious et Nancy Spungen qui contient une des plus belles fins de film de l'histoire. Succès qu'il sabordera avec un western surréaliste à la distribution de tueur : Straight to Hell featuring Joe Strummer, Grace Jones, Dennis Hopper, Shawn Mc Gowan et Courtney Love. Mais aussi ses deux acolytes géniaux : Dick Rude, et Sy Richardson, s'empêchant d'aboutir comme il l'aurait souhaité un projet à l'ambition folle : Walker, l'histoire vraie de la prise de pouvoir du Nicaragua par un gouverneur américain dans les années 1850 truffée d'anachronismes servant à la mettre en parallèle avec le traitement que l'Amérique de Reagan fait subir au Nicaragua dans les années 80. Détail important, le film est co-écrit par Rudy Wurlitzer, anciennement responsable du scénario du Two lane Blacktop de Monte Hellman. L'homme sait choisir ses complices.
Incapable de trouver producteur à son pied, Cox rejoindra l'idéal des Clash et s'exilera au Mexique pour réaliser des co-productions Mexicano-Japonnaises s'orientant de plus en plus vers une certaine exigence exempte de toute concession, si tant est qu'il en ait fait un jour. Des films qui finissent par n'être visibles qu'en festival. Une honte. Son dernier, Revenger 's Tragedy, aux premières minutes alléchantes, n'est encore sorti nulle part.
Parallèlement à une brève carrière de tv host sur la BBC, où il présentait les perles de l'Eurotrash et autre cinéma bis (voyez y un équivalent du Cinéma de Quartier de Canal Plus), sa société de production a sorti un documentaire sur Kurosawa et une bible sur la série des « Emmanuelle ». Sachant ça, on ne peut plus considérer Cox que comme un cinéaste singulier et exigeant. Si l'on en croit le livre un peu complaisant qui lui a été dédié *, cette exigence l'a rendu particulièrement détestable auprès de 90% des gens ayant travaillé avec lui. On a pu dire la même chose d'Abel Ferrara. Leur cinéma est pourtant bien différent. Enfin, comment ne pas considérer de manière des plus positives un cinéaste qui a un jour déclaré qu'il faisait jouer des réalisateurs parce qu'on donnait des caméras aux premières stars venues ? S'il vous intéresse, vous découvrirez aussi ses mésaventures avec Terry Gilliam touchant à Fear and Loathing in Las Vegas.
Vous connaissiez la gauche caviar, Alex Cox et son Repo Man vous présenteront la gauche pop corn. Emilio Estevez n'y a jamais été aussi bon. Harry Dean Stanton y joue un repo man essentialiste, Sy Richardson un repo man existentialiste. Il y a aussi quelque chose dans un coffre qui radioactive quiconque l'ouvre.
Le coffre, ce sera la boîte du dvd que vous irez louer, acheter ou voler. L'énergie pure presque jamais égalée qui va vous irradier, c'est un film sans précédent ni antécédent. Un film punk, un vrai, un vintage, auquel il faut offrir un futur qu'il n'a jamais désiré. « Il est 4.15 AM, est-ce que vous savez où se trouve votre voiture ? »
Virgile Iscan
Alex Cox, Film Anarchist*, Steven Paul Davies, Batsford, 2003.
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