critique de The Saddest Music in the World
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Théâtral, halluciné, entre romantisme noir et burlesque décalé, The Saddest Music in the World confirme les obsessions familiales et tragiques de Guy Maddin, sa fascination pour les contes de fées (le col du manteau de Medeiros ne rappelle-t-il pas les manches bouffantes de la robe de Blanche Neige ?). Blondeur couronnée, en Lady Di des ondes, Rosselini, parée de noir, exhorte la foule à la beuverie mélancolique sur fond de romance ethnique : l'image est fine. Elle s'éloigne du film d'époque, digne des studios Harcourt, une photographie aux lignes pures, précises, aux contrastes prononcés. De même, les noirs et blancs du film s'opposeront sans cesse. Figures malmenées du bien et du mal, de Chester Kent (Mc Kinney en Clarke Gable d'opérette, moustache frétillante et cheveu gras) à Fyodor Kent (David Fox, sensible et livide, portant voilette et lunettes opaques), deux frères, deux principes antagonistes, douleur et insouciance, les remords contre l'absence de scrupules. Une femme fait le lien entre les deux hommes : Narcissa (Maria De Medeiros), visage lunaire pour un appétit de vivre sans égal et qui dissimule un terrible secret -comme un ver solitaire ronge ses entrailles et lui révèle le futur pour la détourner d'un passé insupportable. Les femmes de The Saddest Music in the World se confrontent dans une lutte dérisoire, sans jamais être véritablement rivales. Négatif presque exact l'une de l'autre - Guy Maddin a sans doute travaillé les costumes en miroir inversé : fourrures opaques ici quand elle scintille là, satin contre moire, boucles platines contre casque noir, légèreté de la perruque-accessoire chez la blonde, protection ronde qui suit en accroche-cœur (formolé) le visage de la brune. Seule l'intensité des regards survit à l'annihilation des couleurs, de Lady Port-Huntly à Narcissa, de la détermination revancharde de la première à l'abandon endeuillé de la seconde : perdue dans son rêve éveillé, Narcissa ne prend jamais vraiment conscience de son deuil quand Rosselini voit, souvenir ou présent, ses pires cauchemars matérialisés à chaque étape du film. Inégalité des destins qu'une étrange image vient bouleverser pourtant : Medeiros sur sa balançoire (elle est la chanteuse hypnotique imposée par Chester Kent) semble privée de jambes (cf. photogramme) au moment même où Rosselini s'en trouve une nouvelle paire. Mais de quel ordre ? Il serait dommage de le dévoiler. Tales from the Gimli Hospital |
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