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Monsieur Schmidt
Réalisé par Alexander Payne

Avec : Jack Nicholson, Hope Davis, Dermot Mulroney, June Squibb
Durée: 2:04
Pays: USA
Année: 2002
Web: Site Officiel
Basé sur: Roman
Aborder un film en toute objectivité à Los Angeles pendant la saison des Oscars relève du défi. Au lieu d'être bombardé d'habituelles pubs pour les prochains blockbusters, on se retrouve pris en otage par les campagnes médiatiques visant à promouvoir les films, réalisateurs et acteurs susceptibles de recevoir un Academy Award. Ainsi Monsieur Schmidt ne déroge pas à la règle, se voyant déjà couronné avant même qu'on ait eu le temps de faire sa connaissance.

Jack Nicholson interprète Warren Schmidt, un veuf retraité qui entreprend un voyage semi-initiatique afin d'aller assister au mariage de son étrange de fille avec un redneck qui arbore fièrement une coupe à la Waddle. Il aide aussi financièrement un jeune orphelin auquel il écrit des lettres peu appropriées dans lesquelles il se laisse aller, lui offrant une vision peu orthodoxe de la réalité.

Schmidt est une sorte d'épouvantail, un homme que l'on ne remarque pas et son voyage a aussi pour but de durcir son caractère. Dans Easy Rider, Nicholson n'avait besoin de rien à part d'une moto. Dans The Straight Story, c'est un tracteur que Lynch utilisait pour nous offrir sa vision poétique de l'Amérique profonde. Schmidt, lui, voyage dans une Winnebago flambante neuve. Paradoxalement, s'il n'a eu aucun mal à dépenser une fortune dans sa voiture neuve, les frais d'enterrement de sa femme ont été réduits au strict minimum. Le véhicule lui sert non seulement à affirmer sa virilité mais aussi à amasser des souvenirs, ce qu'il n'avait pu faire jusque là. L'Amérique de Payne est pimentée de mauvais goût et de vulgarité, de fast-foods et de musées bizarres. Lorsque Schmidt entreprend de rendre visite à sa maison d'enfance, il découvre que c'est maintenant un magasin de pneus.

Payne dépeint des rites de passage typiquement américains. La réception organisée pour le départ à la retraite est ennuyeuse à souhaits et ses faux discours d'hommage accablants. La cérémonie de mariage de sa fille est encore pire avec ses toasts successifs. Le discours de Schmidt est offensif, insultant discrètement tout le monde sans que personne ne s'en aperçoive, hormis pour sa fille dont le regard en dit long. Départ à la retraite, décès et mariages ont pour point commun un terrible ennui et un certain dégoût. Voir l'expression horrifiée de Nicholson alors qu'il observe les membres de sa belle-famille manger comme des porcs au restaurant est un régal.

Ses lettres à Ndugu, l'enfant adoptif Tanzanien, sont toutes autant jouissives à cause du décalage entre ce qu'il dit et ce qui arrive vraiment. C'est à travers elles que le spectateur découvre ses vrais sentiments et sa tendance d'en rajouter. Il s'enrage dans des textes peu appropriés pour un enfant de 6 ans mais qui offrent les moments les plus poignants du film où un homme se confie à un étranger.

Trois scènes s'avèrent cependant problématiques. La première qui ne dépareillerait pas dans un sitcom nous montre Schmidt en train d'essayer de « naviguer » sur un matelas waterbed. Les deux autres concernent ses relations féminines. Dans une, il fait des avances à la femme d'un camarade de voyage tandis que dans l'autre Kathy Bates tente de le séduire dans un jacuzzi. Si la première est un peu trop forcée et la deuxième hilarante, celles-ci fonctionnent seulement parce que Schmidt a été moulé sur Nicholson. Il n'est en aucun cas un être ordinaire mais plutôt ce monstre sacré cynique qu'on adore. Dans les moments embarrassants pour son personnage, on l'imaginerait presque prendre ses jambes à son cou pour aller assister à un match des Lakers au Staple Center.

Côté distribution, Kathy Bates fait des merveilles en mère dévergondée tandis qu'Hope Davis n'a pas besoin d'en faire beaucoup pour faire part de son mécontentement. Dermot Mulroney est quant à lui irrésistible dans le rôle du marié.

Mais Schmidt est évidemment l'épicentre du film et Nicholson est sûr de récolter pléthore de prix d'interprétations que ce soit pour l'air suffisant qu'il prend ou ne pas s'être discrètement effacé dans le film comme se fut le cas dans The Pledge.

  Anji Milanovic




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