The Straight Story
Réalisé par David Lynch
Ultime provocation de David Lynch, The Straight Story est un film limpide,
grand public et produit par Disney. Pourtant, au-delà des genres, The
Straight Story est tout simplement un petit film parfaitement réussi.
Au contraire de la sinueuse Lost Highway, The Straight Story est droit comme une route d’Iowa. Le film retrace le périple (tiré d’une histoire vraie) d’un vieil homme sage et rusé qui traverse l’Iowa sur son tracteur pour rendre
visite à son frère malade qu'il n'a pas vu depuis dix ans. Le film se déroule sur un rythme lent et
monotone, comme celui d’un tracteur. Nulle énigme ou bizzarerie lynchienne
ici. Lynch s’efface derrière la caméra pour se concentrer sur le vieil homme
et le tracteur. Si le réalisateur a laissé de côté ses habituels “gimmicks”,
on retrouve néanmoins dans cette odyssée des themes qui lui sont chers entre
l’émotion d’Elephant Man, le côté road movie de Sailor & Lula et une amérique profonde et perdue à la Twin Peaks (le morceau d'ouverture de Badalamenti est d'ailleurs un direct clin d'oeil au thème de Laura Palmer). De même il sème quelques clins d’oeil vers l’etrange comme avec par exemple les 2 frères jumaux.
Pourtant comme l’indique son titre, il est clair que le réalisateur a voulu
montrer une histoire simple (straight) et humaine.
Un des thèmes sous-jacents du film est une description de l’Amerique
profonde. Au contraire de ses précédents films, l’Homme est ici simple et
bon et ne veut que le bien de son prochain, comme en témoignent les diverses
rencontres qui viendront à son aide. Optimisme, posivitisme et normalité
font donc pour la première fois apparition dans le cinéma de Lynch. Le
réalisateur changerait-il de cap et reprendrait-il foi en l’Homme et en
lui-même ou chercherait-il à jouer un tour à ses détracteurs? Sachant que l’
histoire, pour une fois ne lui appartient pas, c’est à chacun de juger.
Un des avantages du film est d’éviter les clichés du genre pour se
concentrer seulement sur l’homme et son but. Ainsi, si il est clair que le
vieil homme fera quelques rencontres tout au long de son périple, ces
rencontres resteront toujours spectatrices de son passage et n'interfèreront jamais avec son but: si chaque fois,
il se confie ou impressionne son environment il reste passif et ne tente pas
de changer le destin de ses rencontres ou d’utiliser son rôle de vieil homme
comme moralisateur. Il se concentre sur son but, continuer sa route pour
retrouver son frère. De même là ou certains auraient sombré dans un
mélodrame lacrimonieux, le film n’esssaie pas d’en faire trop. Enfin, les
diverses péripéties de son voyage ne ressemblent en aucune sorte a un
parcours d’embuches et d’action là ou les blockbusters font monter l’
adrénalyne.
Il en est de même quant à la psychologie des personnages:le film ne s'attarde ni à nous démontrer le pourquoi de la séparation des deux frères ni à sombrer dans des effusions de joie et de remors lors des retrouvailles. Le film en fait ne juge jamais ses personnages. Si il est clair que notre héros a un passé lourd et peu glorieux que l'on découvre lors de conversations dans des bars déserts et, est donc loin d'être cet homme parfait que l'on pourrait croire, il porte sa croix comme tout un chacun et ne prétend à aucun moment à une quelconque rédemption ou justification. Aussi Lynch ne fait pas d'embardée pour aller explorer un autre thème mélodramamtique: le vieil homme approche lui aussi une mort certaine et le film reflète une vie passée trop vite d'autant plus que son tracteur roule doucement. La route symbolise évidemment sa longue vie dont le bout, ces retrouvailles, est sûrement la dernière étape qu'il ne veut manquer sous aucun prétexte. Lynch maintient sa dignité alors qu'il passe chaque mile et chacun de ses souvenirs comme un dernier flashback avant un dernier souffle.
Le ton du film varie entre poésie, ironie legère et affection pour son
personnage. L’image est naturelle et appaisante comme un champ de mais d’
Iowa.
Quand au jeu, Richard Farnsworth est bouleversant d’authencité, et de simplicité alors que
Sissy Spacek est amusante en fille un peu simple ressemblant à son personnage de Badlands quelques décénies plus tard. Les diverses rencontres
sont à cette image, toujours dans l‘authentique, sans jamais en faire trop,
ce qui fait que le film marche totalement.
The Straight Story est un de ces rares moments où l'on est heureux de ne pas avoir pris de raccourci.
Fred Thom
Inland Empire
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