critique de Cashback
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A l'origine, Cashback était un court métrage désopilant et élégiaque d'une vingtaine de minutes ayant furieusement séduit en 2004. Fort de ce succès d'estime, l'ancien photographe de mode Sean Ellis décide de développer - ou plutôt désangler car il ne s'agit plus de capturer les émotions mais d'observer leurs volutes - sa création sur 90 minutes. Pour les aficionados la pilule - et certains flash-back - peut être dure à avaler pour les autres, si l'on excepte les vingt dernières minutes pataudes et anesthésiantes, l'expérience peut se faire parfois jubilatoire entre empathie ondoyante pour des personnages absents voire neurasthéniques, efflorescence d'une sensualité féminine inouïe et patchwork de plaisanteries de carabins. L'idée fondatrice et doucement mélancolique surnage sur la durée, à savoir le saisissement de la beauté fugace, de cet instant de profond bouleversement qui surprend le héros lorsqu'il est confronté à l'évidence intimidante de formes fuselées et ensorceleuses. Dés lors il va être question d'émiettement de l'espace des sentiments - forcément ambivalents. La gageure de l'ensemble étant, grâce à l'artifice de suspension du temps, de décrypter le vortex des sensations masculines devant les courbes affolantes et intensément émouvantes d'un corps féminin tout entier dévolu à la félicité, au ravissement chaste de l'œil. Un émoi tour à tour ébahi, interloqué, honteux ou pervers que les traits inertes et résignés de Sean Biggerstaff retranscrivent avec aisance - sans atteindre néanmoins les prouesses détachées de Zach Braff (Garden State, Last Kiss). Le simulacre glamour et les louvoiements farfelus - lenteur esthétisante, insolence plastique - des débuts s'indurent rapidement en s'habituant aux moirages de la lumière, à la banalité des lieux cautérisée par les néons blafards : loin des chromos au grain velouté, des pages satinées de magazines et des lisses vestales - dallage opalescent et délicatement ripoliné lorgnant vers les natures mortes - la discrète et craquante Emilia Fox s'impose progressivement comme le plus entêtant des fantasmes. Métempsycose d'âmes butineuses s'affirmant dans le bâillement des robes retroussées, des corsages entrouverts ou simplement celui séparant les deux formats du métrage, les fantasmes-hologrammes s'impriment (Sharon transmuée en strip-teaseuse) puis se densifient hardiment. Ainsi le cinéaste cherche à échapper à la malignité de l'étriquée bonne idée pour s'émanciper : édifiante mise en abîme d'un méta-film bancal balisant le cheminement vers une maturité d'obédience monotone. Et le tableau d'Hopper épinglé sur le mur de Ben d'instaurer un dais d'attente et de fixité (étales et vitrines toutes de transparence caillée) endiguant le mouvement inéluctable de l'horloge. Malheureusement cet aspect indissociable du passage à l'âge adulte se dérobe en permanence devant une mise en scène autiste se drapant dans la voix-off narcissique censée doper son propos. Reste des visons enchanteresses et essentielles, poussières de féminité ensemençant la vision hiératique, idolâtre et membranaire des hommes.
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