Avec : Victoria Abril, Penélope Cruz, Demian Bichir, Fanny Ardant
Titre Original: Sin noticias de Dios
Durée: 1:35
Pays: Espagne
Année: 2003
Web: Site Officiel
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Le paradis et surtout l'enfer n'ont jamais paru si accueillants, bataillant pour nos pauvres âmes à travers leurs envoyés respectifs, des anges dont l'enveloppe terrestre ressemble à Victoria Abril et Penélope Cruz. Dans cette comédie ésotérique signée par l'espagnol Agustin Diaz Yanes, l'enfer ressemble à une société froide et matérialiste, moulée sur le modèle de la « corporate culture » américaine tandis que le paradis est une capitale de la culture à l'image de Paris. Bâti discrètement sur cette opposition entre l'Amérique capitaliste et l'Europe culturelle, cette lutte entre le bien et le mal tourne à une guerre des sexes sur fond d'inégalité sociale.
L'âme de Many (Demian Bichir) boxeur grossier sur le fil du rasoir étant en jeu, la responsable du paradis (Fanny Ardant) envoie sur terre son meilleur agent, la douce Lola (Abril) qui prend les traits de la femme de Many afin de le remettre dans le droit chemin. Bien décidé à contrecarrer ces plans divins, le CEO de l'enfer (Gael García Bernal Y Tu Mamá También, Amores Perros) fait appel à son âme damnée favorite, la sulfureuse Carmen (Cruz) qui entre, en tant que cousine, dans la vie du boxeur.
Composée comme une fable amusée, le film multiplie les thèmes socio-culturels tandis que la guerre entre Lola et Carmen fait rage sur un terrain moral Many, être antipathique se voyant offrir un dernier souffle d'humanité et social le supermarché où Lola est employée modèle et Carmen chef du personnel cynique. Corruption, violence conjugale, lesbianisme et revendication syndicales se côtoient avant que tout ne se règle dans un éclat de violence colorée dans la grande tradition de Tarantino mais surtout de Thelma & Louise, les femmes prenant enfin leur revanche sur une société machiste bien méridionale.
Sans nouvelles de Dieu est avant tout une œuvre sur les inégalités du monde, sociales, sexuelles, culturelles et politiques qui se propagent au ciel, réflexion trop réaliste de notre univers ; et c'est peut être ça le véritable enfer. L'approche est ironique et nous révèle que de toute façon les dés sont pipés d'avance, quelque soit le côté où vous soyez. Les frontières entre le bien et le mal sont d'autant plus brouillées que le CEO de l'enfer « capitaliste » et la garante de la « culture » paradisiaque doivent s'allier afin d'assurer leur survie respective, tout comme l'art ne peut exister sans le support financier de structures plus matérialistes.
Le long métrage est habillé de cette douce folie qui sied si bien au cinéma espagnol. L'humour y est décalé, favorisant le second degré plutôt qu'une exploitation directe de la situation à la Beetlejuice. L'abondance des thèmes abordés ne permet cependant pas de pleinement exploiter la dualité Cruz/Abril, seul le personnage de Cruz ayant assez de relief pour offrir une interprétation jouissive tandis qu'Abril se voit forcée de rester dans une demi-teinte trop passive. Le film manque de mordant, s'essoufflant autour du personnage de Many embringué dans une magouille inepte alors que le fonctionnement de l'adaptation moderne du paradis et de l'enfer aurait gagné à être plus exploré.
Si la satire est somme toute peu incisive, le film absout certaines faiblesses scénaristiques dans son originalité, célébrant son fier héritage méditerranéen italo-espagnol et offrant une alternative bienvenue à un cinéma contemporain un peu trop souvent terre à terre.