Avec : Maribel Verdú, Gael García Bernal, Diego Luna, Diana Bracho
Durée : 1:45
Pays : Mexique/USA
Année : 2001
Web : Site Officiel
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Assoiffé de vie, de sexe et de mort, Y Tu Mamá También est un fruit mûr dans lequel il faut mordre à pleines dents pour pouvoir le savourer et en garder le goût.
La sexualité adolescente mâle est un sujet que les films américains n'ont jamais su approcher sérieusement. De Porky's à American Pie, notre patrimoine national se compose des plaisanteries douteuses qui ne sont jamais érotiques. Quoique Y Tu Mamá También soit un film très drôle, l'ironie égocentrique ne prend ici jamais le dessus. Les deux compères, Tenoch (Diego Luna) issu de l'aristocratie et Julio (Gael García Bernal d'Amores Perros) enfant de la classe ouvrière, ont beaucoup en commun lorsqu'il est question de sexe, de masturbation, de drogues et petites copines. Compétitifs mais fonctionnant presque comme un vieux couple (bien qu'ils se masturbent ensemble à la piscine et comparent la taille de leurs pénis), un lien fort mais pas incassable les unis. Après le départ de leurs copines respectives en vacances, ils se retrouvent en pleine liberté pour apprécier l'été.
Lors d'un mariage, Tenoch et Julio font la connaissance de la belle espagnole Luisa (Maribel Verdú de Goya in Bordeaux), épouse du cousin arrogant de Tenoch et presque deux fois leur âge. N'ayant rien à perdre, ils invitent celle-ci à les accompagner dans un voyage pour la plage imaginaire Boca del Cielo. Premier miracle, Luisa, embarquant avec elle ses secrets, décide de les suivre dans cette aventure pimentée de sexe, de sensualité et de mélancolie. A leur plus grande surprise, chacun couchera avec la jeune femme qui sera cependant stupéfiée par la brièveté de leurs rapports. Le périple est aussi une occasion de montrer une autre facette du Mexique dont les deux garçons ont été protégés : la pauvreté, les abus de la police et un manque d'espoir.
Tenoch et Julio sont issus de la jeunesse urbaine de Mexico. Les murs de leurs chambres sont recouverts d'affiches de Nirvana tandis qu'ils s'adonnent aux joies du sexe et de la drogue dans des soirées. Leur différence de classe sociale apparaît lentement. Tenoch vit dans une maison spacieuse sous la houlette d'une bonne indienne qui il a appelé « maman » jusqu'à l'âge de 4 ans. Ses parents sont riches et influants ; le président du Mexique assiste aux mariages familiaux avec plus de gardes du corps que d'invités et les vacances se prennent au lac Tahoe en Californie du Nord. Julio, quant à lui, vit dans un petit appartement avec sa mère qui appartient à la classe ouvrière. A la suite d'une bagarre, les deux copains prennent conscience de leur statut social. Tenoch appelle Julio un « naco » (plouc), tandis que ce dernier répond en appelant le père de Tenoch « un voleur », exposant ainsi l'échafaudage précaire qui garde la classe supérieure au-dessus du reste de la population.
Ils sont cependant totalement en accord lorsqu'il s'agit de courir après Luisa qui ne différencie pas vraiment entre eux. Sa présence forte garde les garçons soudés et elle partage beaucoup avec eux, sans toutefois tout leur dévoiler. Sa vie, son mariage difficile et ses amours passés étant des sujets que les deux garçons ne comprennent pas totalement, elle opte alors pour quelque chose de plus concret, le sexe. Elle est presque maternelle dans la connaissance et les suggestions qu'elle leur offre, et les deux adolescents luttent pour elle alors que la jalousie et la tension croient. L'amitié en mutation de Julio et Tenoch et le destin de Luisa se croiseront dans l'ivresse et l'extase d'un ménage à trois dont le réveil se révélera inévitablement douloureux.
Amores Perros (Amours Chiennes) comportait également une femme espagnole, un mannequin blond placardé à travers la ville qui symbolisait les aspirations vers une vie meilleure jusqu'à ce qu'un accident vienne la défigurer et change son destin. Ici, le personnage de Maribel Verdú tombe totalement sous le charme du Mexique. Elle se lie d'amitié avec une vieille femme, une famille de pêcheurs et découvre la vitalité du Mexique (Cuarón ferait-il secrètement allusion au cinéma espagnol qui s'enlisa à plusieurs reprises dans sa description de la guerre civile espagnole ?)
La mort imprègne ce film pourtant vivant et joyeux, la raison étant dévoilée dans une fin intense. Nous rencontrons la faucheuse au hasard des rues de Mexico, dans un cimetière abandonné, dans les souvenirs de Luisa et dans l'eau. Même le nom de la plage, La Boca del Cielo Beach (la bouche du ciel), y fait allusion. Les orgasmes des rapports sexuels sont de petites morts, celles de l'adolescence. Une voix narre le futur de certains personnages (et même d'un groupe surréaliste de porcins échappés) et n'est généralement pas porteuse de bonnes nouvelles.
Les interprétations des trois protagonistes sont excellentes. Diego Luna et Gael García Bernal relèvent le défi de rôles risqués et passent facilement de la fanfaronnade à la vulnérabilité. Maribel Verdú apporte de la grâce au film, et ses yeux malins montrent comment sa soif d'aventure annihile toute crainte qu'elle aurait. Le réalisateur Cuarón ne les exploite jamais ; il expose seulement ce qui doit être vu.
Il est malheureux que l'absence de classification du film aux USA, en terme d'interdiction, rende le film suspect aux yeux d'un public américain peu à l'aise lorsqu'il s'agit d'érotisme féminin mais tout à fait confortable lorsqu'un un garçon fait l'amour à une « pie ». Remercions Dieu que nous ayons le cinéma mexicain.