Avec : Nicole Kidman, Fionnula Flanagan, Alakina Mann, James Bentley
Durée : 1:41
Pays : Espagne
Année : 2001
Web : Site Officiel
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Tesis, le premier film d'Alejandro Amenábar, ressemblait parfois un peu à un campus-slasher à la Urban Legend avec snuff movies et humour de deuxième zone. Grâce notamment à une réflexion sur la violence et la fascination qu'elle inspire, il sortait toutefois du lot.
Ouvre les yeux, son deuxième film, explorait le rêve et la réalité avec une inspiration qui rappellent l'idée de base de Total Recall ou D'un rêve à l'autre. Là encore, dans Ouvre les Yeux, quelques maladresses venaient néanmoins gâcher notre plaisir.
Les Autres, en revanche, évite la plupart des écueils de ses deux précédents films et nous offre le meilleur d'Amenábar.
Sur l'île de Jersey, peu de temps avant l'armistice de 1945, dans une grande maison isolée en pleine campagne, Grace (Nicole Kidman), élève seule ses deux enfants, leur enseigne la religion, et les protège de la lumière extérieure. En effet, ils sont frappés d'une allergie peu commune : ils ne doivent pas être exposés à la lumière du jour. Tous les volets et les portes de la maison sont donc clos et Grace et ses enfants vivent quasiment emmurés. Un jour, trois domestiques se présentent à leur domicile. Ils cherchent du travail. Grace décide de les engager. Tous les six vont bientôt devoir faire face à d'étranges phénomènes…
C'est Amenábar lui-même qui a écrit le scénario. Il s'agit en gros d'une histoire de fantômes dans un genre qui rappelle Le Sixième Sens. Avec habileté, Amenábar a pris soin de brouiller les pistes comme il savait bien le faire dans ses deux précédents opus, et a su ménager une forte chute finale, créant un suspense solide.
Mais bien avant tout, le film est particulièrement réussi en tant que film d'épouvante parce qu'il fait vraiment peur. Amenábar sait très bien développer chez le spectateur la peur de l'inconnu, la peur du hors-champ, la peur de la folie… La force du film, c'est qu'il ne montre à aucun moment d'image choquante, violente ou sanguinolente. En procédant ainsi, Amenábar laisse le spectateur construire lui-même ses propres épouvantails, et la terreur qui s'empare de lui provient en fait de ce qui peut surgir de sa propre imagination. Chaque porte fermée (et elles le sont toutes dans cette maison) cache ce que chacun craint d'y trouver.
L'histoire et la chute qui la conclut sont indissociables de la culture cinématographique de ces quelques dernières années ; une fois de plus dans Les Autres, le monde des vivants et celui des morts s'interpénètrent. Sans vouloir dévoiler l'intrigue, il convient de souligner que cette chute n'est notable que dans la mesure où le public a été habitué à ces histoires de fantômes. Les Autres pourrait donc se voir comme une réponse au Sixième Sens.
Comme à toute chute de ce genre, on pourra trouver des défauts, des incohérences. On pourra reprocher un manque d'originalité. Le cinéma nous a donné sa dose de maisons hantées, de revenants et de fantômes. Shining jouait déjà il y a plus de vingt ans sur la peur de ce qu'on ne comprend pas, et il était déjà nerveusement très dur pour le spectateur de pousser la porte de la chambre 237. Certes donc, Les Autres n'est pas fondamentalement original et Amenábar n'a probablement pas l'ambition d'innover.
Mais soyons justes. Il maîtrise parfaitement le langage cinématographique. La main de maître de ce jeune réalisateur (seulement 29 ans) nous ôte toute résistance, les points noirs du scénario, comme les interventions et les motivations pas toujours très claires des différents personnages (les serviteurs ou le mari de Grace en particulier) sont vite oubliées par la qualité de la réalisation et la beauté des décors et de la photo. L'histoire est pauvre et stagne, mais on est terrifié. Et c'est exactement ce que le film nous avais promis.
Quant à Nicole Kidman, tout droit sortie d'un film de Hitchcock, il s'agit là d'un de ses meilleurs rôles. Forte, courageuse, effrayée, amoureuse, troublée, perdue, elle est toujours juste et brillante. Elle apparaît dans la plupart des plans et porte le film à bouts de bras. Mention spéciale aussi à la jeune Alika Mann qui fait une excellent composition.
Fait notable : Amenábar compose lui-même la musique de ses films, et avec habileté. Les orchestrations sont très réussies et la musique est parfaitement efficace. Qu'Amenábar ait eu la liberté et le temps de composer lui-même la musique est remarquable. La dernière partition aussi sophistiquée venant d'un réalisateur-compositeur était peut-être celle d'Urban Legend 2, de John Ottman - un film par ailleurs qu'il vaut mieux oublier.
Les Autres montre qu'en définitive, Amenábar écrit bien, il compose bien et surtout, il réalise très bien… Nul doute qu'avec de telles aptitudes et un tel succès au box office, il a d'ores et déjà conquis sa place à Hollywood.