Avec : Romain Duris, Audrey Tautou, Cécile de France Scénario : Cédric Klapisch Durée : 2:05 Pays : France Année : 2005 Site Officiel : Les Poupées Russes

L'inconséquent Xavier a maintenant 30 ans. Devenu écrivain, nègre et scénariste il continue d'aligner les histoires d'amour sans réelle volonté de se fixer. Papillonnant entre conquêtes d'un soir et galaxie d'amis glanés durant son année d'étude à Barcelone il tente de donner sens à son existence et de comprendre ses appétences. Un périple initiatique qui l'emporte de Paris à Saint-Pétersbourg avec escale à Londres. Au final, le mystère féminin lui paraîtra moins nébuleux.

Cette suite retorse de L'Auberge Espagnole annoncée à grands renforts de publicité se pense en témoignage générationnel d'un groupe de trentenaires éparpillé sur le territoire européen. Les atours arty y sont légion, entre voix-off introspective et bien pensante, esthétique volontairement délaissée et altérée, pudibonderie mal assumée et effritement consommé du récit. De fait l'expérience accouche d'une profonde désillusion. Premier constat la comédie se voulant débridée ne réussit qu'à nous faire sourire en de rares occasions, les gesticulations désarticulées de Romain Duris devenant rapidement horripilantes. Le rythme hoquette, souffreteux, et de nombreuses incursions ressemblent à des pièces rapportées, notamment la gouailleuse Audrey Tautou. Et que dire de l'intérêt maintenu artificiellement par l'une des dernières séquences placée en introït, grâce à la structure éclatée d'un film mettant en avant sa neutralité complaisante ?

Le projet sombre essentiellement dans les dérives du système Klapisch. Sa conception de la femme, gigogne ou palimpseste, si elle se charge d'une véracité touchante semble surtout simpliste et archaïque au regard des segments échafaudés par Wong Kar-Wai et Michelangelo Antonioni dans Eros. Chaque fragment du sexe féminin composant le sérail foutraque de Xavier le héros nombriliste ne s'incarnant que dans les postures inaltérables et inoxydables du fantasme (copulation matinale, ballerine craquante, lesbienne agressive…). Féru de mélancolie l'auteur y puise l'énergie nécessaire pour irriguer facilement son terreau d'une fluidité attrayante.

Le pire reste la volonté exponentielle et désinvolte de compiler les vignettes - la symbolique triviale du puzzle nous achève lors du générique de fin. Passé, présent, futur antérieur ou conditionnel se côtoyant dans une joyeuse cacophonie. Cette décomposition minutieuse et jazzy pourrait lorgner sur l'harmonie farfelue d'un Wes Anderson, s'il ne s'agissait pour le cinéaste, un brin mégalomane, d'asseoir sa croyance fondamentale : une totale liberté laissée au spectateur sémiologue de monter son propre long métrage. L'expérience serait stimulante et nature à louanges si un laxisme coupable n'engendrait la torpeur. Egarés dans des échos anarchiques et clinquants nous picorons sans conviction l'immatérialité mousseuse charriée par le réalisateur.

Ni abstrait, ni figuratif, voici un manège vain où l'illusion du dénivelé de ces montagnes, forcément russes, peut faire tourner les têtes mais dans une ivresse factice. Les circonvolutions masquant péniblement un surplace : toujours le même train reliant les sphères d'un enfer dantesque réinventé. Un comble pour un discours vantant le nomadisme fécond. Derrière les scories hétéroclites et roublardes on aimerait réveiller les personnages frustrés et crier, en anglais sujet oblige, " life is for living " !

  Frédéric Flament