Million Dollar Baby
Réalisé par Clint Eastwood
Avec : Hilary Swank, Clint Eastwood, Morgan Freeman, Jay Baruchel
Scénario : F.X. Toole, Paul Haggis
Titre Original : Million Dollar Baby
Durée : 2:12
Pays : USA
Année : 2005
Site Officiel : Million Dollar Baby
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Million Dollar Baby n'est pas une énième variation sur la boxe mais un mélodrame bouleversant sur la filiation. Un vieil entraîneur (Clint Eastwood) refuse de prendre sous son aile une jeune femme de condition modeste (Hilary Swank), avant de céder face à sa détermination. Se noue entre eux une relation filiale de substitution, mêlée de tendresse. Le film se donne des faux airs de success story avant de révéler son coeur secret dans sa dernière partie.
Motif prégnant chez Eastwood, le retour, que l'on retrouve décliné ici à l'envi. Les personnages font figure de revenants, du vieux manager à Scrap (Morgan Freeman), un ancien boxeur brisé qui assume la voix off mélancolique, témoin essentiel des événements passés, réactualisés sous une forme épistolaire : un courrier destiné à une absente, et par ricochets, au spectateur. Au final, les fantômes réinvestissent le cadre. A la croisée d'une fenêtre se découpe la silhouette spectrale du manager. Eastwood travaille à sa propre mythologie en se mettant de nouveau en scène sous les traits d'un spectateur privilégié d'un âge d'or hollywoodien. Oeuvre humaniste, d'une grande portée morale, Million Dollar Baby appartient à la tradition classique. Film " sur le retour ", en somme, qui trouve, dans la salle de boxe désuète, vestige d'un temps oublié, sa plus belle métaphore. En ce sens, Eastwood, avec ce film " comme on n'en fait plus ", entre en résistance, à l'instar de son héroïne.
Maggie, une oubliée du rêve américain, a compris que la vie consistait à prendre des coups. Le tout est de savoir les rendre ! Eastwwod filme l'espace comme un ring de boxe. Il faut du temps avant que le manager et sa jeune recrue ne se rapprochent l'un de l'autre. La frontière, qui les maintient à distance, s'abolit quand ils concluent enfin le pacte qui les unira pour le meilleur et pour le pire. Le film n'est rien d'autre que le récit de deux solitudes qui se reconnaissent et s'apprivoisent.
" Parer les coups " : le film est le récit de cet apprentissage, mais pas de cette revanche. Selon une circularité tragique, les personnages, englués dans leur condition, répètent leurs échecs. La culpabilité les écrase. " Tough ain't enough " répète à l'envi l'entraîneur. Pour échapper à sa destinée, la combativité ne suffit pas. La tragédie traverse de part en part l'œuvre eastwoodienne mais trouve, depuis Mystic River, son point d'incandescence.
Le réalisateur, républicain modéré, traite du politique et du rêve américain sans aménité. Il dépeint la population qui vit dans des caravanes, comme un ramassis d'assistés et de parasites, mais rend hommage au courage de son actrice, issue de ce même milieu, et qui à force d'obstination a accompli son rêve. Que quatre Oscar soient venus récompenser pareille entreprise, jugée hasardeuse par des studios frileux, donne foi en la permanence d'un grand cinéma d'auteur qui réussit le pari d'être aussi un grand film populaire. " Film mémoire " poignant, Million Dollar Baby se hisse sur le ring pour gagner son combat au poing.
Sandrine Marques
Mystic River
Créance de Sang
Space Cowboys
Impitoyable
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