Avec : Choi Min-shik, Yoo Ji-Tae, Kang Hye-Jeong, Ji Dae-Hang Scénario : Chan-Wook, Park Jo-Yoon Hwang, Joon-Hyung Titre Original : Old Boy Durée : 1:59 Pays: Corée du Sud Année : 2004 Site Officiel : Old Boy

Park Chan-Wook, réalisateur en vue de la nouvelle vague du cinéma coréen, adapte une bande dessinée, écrite par Tsuchiya Garon et illustrée par Minegishi Nobuaaki, spécialiste du « Mah-jong Manga ».

A partir d'un projet, placé sous des auspices peu favorables, est né un véritable film culte. Old Boy, raz-de-marée au box office local, a écrasé des productions comme Kill Bill, Volume 1 (avec lequel des correspondances s'établissent) ou Matrix Revolutions.

Précédé par cette excellente réputation, l'attente était à son paroxysme. Au final, une vraie onde de choc ! Tout, dans le film, participe de sa réussite. A commencer par un scénario parfaitement écrit et redoutable d'efficacité.

Un homme est brutalement kidnappé dans la rue par un inconnu. Le ravisseur assassine la femme du héros et sème des indices qui l'incriminent. Puis, il relâche son prisonnier, au terme de 15 ans de séquestration, dans un seul but : trouver la raison pour laquelle il l'a enfermé. Park Chan-Wook signe ici le deuxième volet d'une trilogie, entamée en 2002 avec Sympathy for Mr Vengeance, consacrée au thème de la vengeance. Le manga original fournit au talentueux réalisateur le découpage incisif de son film. Quant aux choix d'adaptation, ils s'avèrent des plus pertinents. Le récit virtuose avance comme un cheval au galop, jusqu'au rebondissement final : la découverte d'une vérité insoutenable, de ces secrets qui vous condamnent à la folie ou au suicide.

Old Boy regorge d'innovations visuelles, soutenues par la photographie remarquable de Park Hyun-Won, référence incontournable du cinéma coréen. La lumière, sombre et majestueuse, ainsi que la musique (mélange pléthorique de valse, tango et techno) confèrent au film « l'esthétique de l'excès » recherchée par le réalisateur. Sympathy for Mr Vengeance se caractérisait, selon Park Chan-Wook, par une ambiance sèche et froide, quand Old Boy se distingue par son atmosphère chaude et humide.

Dans la société coréenne, la vengeance privée est interdite. Elle demeure donc le territoire des artistes, pour qui la représentation est le lieu de la transgression. Le respect des aînés, comme dans nos sociétés occidentales, est également fondamental. Park Chan-Wook se plaît à malmener ces principes. Oh Dae-Soo (Choi Min-Sik, vu dans Ivre de Femmes et de Peinture de Im Kwon Taek) est humilié par un homme plus jeune que lui, du nom d'Evergreen. Le raffinement sadique de la vengeance d'Evergreen constitue d'ailleurs une source de jubilation, toute intellectuelle.

Ce cinéma de la cruauté s'accompagne d'une réflexion existentialiste plus profonde. Une fois la vengeance savourée, que reste-t-il à accomplir ? Evergreen (Lee Woo-Jin, jeune premier) voue une véritable obsession à l'égard de Oh Dae-Soo, qu'il connaît intimement, au point d'en oublier sa solitude. Une fois l'objet de sa passion ambiguë subordonné à ses ordres, assujetti, laminé, il doit faire face au vide de son existence. Echec et mat. Nul ne sort gagnant de ce face à face destructeur. Pas même le final, sorte de happy ending où intervient une belle hypnotiseuse, maître de la mémoire et de la destinée des héros, ne parvient à édulcorer le sentiment d'effroi qui gagne le spectateur. « Ris et tout le monde rira. Pleure et tu seras tout seul » répète à l'envi le personnage principal, bel adage qui résume magistralement ce film remarquable.

  Sandrine Marques