critique de Pirates des Caraïbes, le secret du coffre maudit
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Trois ans après Pirates Des Caraïbes, La Malédiction Du Black Pearl, sa suite cocasse et énergique, déboule dans nos salles obscures. Annoncé comme le second segment d'une trilogie le film de Gore Verbinski se libère totalement des entraves de l'exposition pour livrer un banquet déjanté et opulent où ne prime plus que la pureté intrinsèque du mouvement. Mieux le récit s'entiche à ce point de l'action physique qu'il la rend immédiatement signifiante au détriment d'une parole mise à mal à de nombreuses reprises. Et, charriant les vestiges des épopées des Fairbanks, Flynn et pétulants consorts, Pirates Des Caraïbes, Le Secret Du Coffre Maudit se défait de la chape pachydermique de l'entertainement pour livrer une expérience organique délectable - à l'instar de Matrix Reloaded. Cette dynamique frontale et jubilatoire arpège frissons flibustiers (lupanars interlopes, vaisseaux térébrants, indigènes anthropophages…), péripéties romantiques et surenchère mirobolante (effets spéciaux remarquables quoique envahissants dans la seconde partie) pour engendrer l'excitation du spectateur. Certes l'évolution des caractères demeure imperceptible mais en adaptant une attraction foraine, le postulat des scénaristes se réduisait à emballer les circonvolutions - symbolisme du compas devenant exquis lorsqu'il exprime les errements du for intérieur. Futés, ils y parviennent en exploitant l'engeance ludique et cathodique du concept de série. Rarement ainsi nous nous serons lovés dans une tentative aussi convaincante (équipe reconduite à l'identique, exploitation du moindre rôle secondaire, cliffhanger haletant, inflation constante…) de cohésion, de continuum. Evidemment le personnage de Sparrow au charisme lunaire, cabotin et ambigu maintient le cap en insufflant (ou rabotant) les diverses potentialités de fiction aux satellites qui gravitent autour de lui. Joyau d'un écrin outré et pantagruélique, Johnny Depp transcende les poncifs pour virevolter, gauche et truculent, de ripailles avortées en déconvenues hilarantes dans les atours de dandy précieux et poissard ou de Machiavel opportuniste de pacotille. Son apparition verticale fantoche contraste avec les faiblesses de la mise en scène - excepté les deux séquences époustouflantes de combat sur la plage et à bord de la roue - ou quand l'élégie du trublion tranche avec les brumes blafardes de l'insipide. Le plaisir de cette odyssée inachevée réside dans l'incorporation équitable de tous les éléments au flux - Johnny Depp n'accaparant plus la caméra notamment au profit d'une Keira Knightley démontrant encore ici l'imprégnante présence de The Jacket. Il est intéressant de noter que dans le premier volet les protagonistes mourraient d'être en vie alors qu'ici ils succombent en basculant, culbutant, par-dessus le bastingage. L'agencement des ingrédients pousse à une expansion minutieuse où chaque élément éberlué nourrit son voisin sans le télescoper. Valeureux simulacre le film tire de fait sa force de l'absence de passivité - le spectateur devant suivre chaque appendice du monstre pour cerner le tumultueux maelstrom. Aventure dense, sombre et patraque : un souffle hérétique au pays merveilleux de Disney ? |
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