Avec : Gérard Depardieu, Guillaume Canet, Inés Sastre, André Dussollier
Durée : 1:40
Pays : France
Année : 2001
Web : Site Officiel
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Paris, 1830. En quelques jours, trois notables parisiens sont tués par la foudre. Il semble que le mystérieux « Alchimiste » en soit responsable. François Vidocq (Gérard Depardieu), un ancien policier désormais détective privé, est chargé par le chef de la police d'enquêter sur cette affaire. Au moment où le film commence, Vidocq se bat contre l'Alchimiste et meurt. Etienne Boisset (Guillaume Canet), le biographe officiel de Vidocq, arrive à Paris et décide de reprendre l'enquête. Ses investigations l'entraînent sur les pas de Vidocq.
Historiquement, Vidocq fut un célèbre policier. Ancien bagnard, il eut une vie très remplie, et ses mémoires ont inspiré de nombreux écrivains, dont Balzac lui-même. Le film Vidocq, cependant, est sans lien avec le personnage historique.
Pitof, après une carrière de monteur, s'est fait le gourou des effets spéciaux sur de nombreux succès français, dont La Cité des Enfants Perdus, Alien : Resurrection ou le Jeanne D'Arc de Besson. Il passe aujourd'hui à la réalisation avec Vidocq, d'après un scénario de Jean-Christophe Grangé (Les Rivières Pourpres).
Sans aucun doute, ce film marquera une ère techniquement. C'est le premier long métrage utilisant la caméra numérique haute définition de Sony et Panavision, le même modèle que George Lucas a utilisé pour Star Wars II « Attack of the Clones ». On attendait avec beaucoup d'impatience le résultat de cette nouvelle technologie.
Le premier avantage visible est le grand nombre d'effets spéciaux. En particulier, le Paris de 1830 entièrement recréé en images de synthèse est impressionnant. A l'exception de quelques plans truqués un peu moyens (notamment la foudre sur un homme très visiblement en studio devant un fond bleu), le résultat est saisissant. Le second avantage est une couleur particulière, une image sombre, granuleuse, soignée et très dans le vent, sensiblement retouchée en postproduction. Enfin, l'incroyable profondeur de champ est très spécifique et notable.
Malheureusement, Pitof en fait trop. Chaque plan est tape à l'œil. Les effets spéciaux, les mouvements de caméra, la composition des plans, les effets sonores, les combats à la Matrix, et les (superbes) costumes et décors, tout est un peu trop pompeux.
En dépit de ses efforts, de toute manière, Pitof n'impressionne pas avec sa mise en scène ampoulée. La succession de plans élaborés est lassante. Le spectateur n'est pas fasciné, mais assommé. De la grande profondeur de champ, Pitof use et abuse (surtout au début : Vidocq est mort, Vidocq est mort…). Il en vient à nous en dégoûter.
D'ailleurs, le cas de la profondeur de champ d'une manière générale dans l'esthétique du cinéma me paraît assez intéressant. Il s'agit d'une caractéristique à part entière du film. Comme le fameux halo parfois créé par des sources lumineuses se réfractant à travers l'objectif (ces tâches dues au Soleil ou aux phares d'une auto par exemple), la profondeur de champ est un défaut, une incapacité à reproduire fidèlement la vision humaine, une limitation qui n'existait esthétiquement pas avant la photographie.
Et pourtant, le halo comme le flou ont gagné leurs titres de noblesse, de sorte qu'on les trouve aujourd'hui dans des dessins ou des animations en 3D, et qu'il est facile de les ajouter numériquement dans un logiciel de postproduction.
La très grande profondeur de champ que permet la caméra de Vidocq suggère ainsi une compréhension esthétique différente, plus proche de la vidéo et de la télévision. Et c'est probablement cet aspect qui dérange dans certains plans de Vidocq, quand absolument tout est net, du visage en gros plan à l'église dans le fond, on a une impression télévisuelle plus que cinématographique. En dehors du fait qu'elle donne des vacances aux premiers assistants, cette nouvelle approche demande une repensée de l'esthétique du film.
Mais revenons à Vidocq. Pitof n'abuse pas seulement de la grande profondeur de champ. Le grand nombre de gros plans fatigue, et peut-être aussi le nombre de plans tout court, environ 2300 dont 800 « truqués » numériquement en postproduction, pour un coût total d'à peu près 150 millions de francs.
En outre, Pitof se soucie davantage de l'aspect visuel de son film que de ses personnages et de son histoire. L'histoire se passe à une époque inhabituelle au cinéma (1830, l'époque de la révolution des « Trois Glorieuses »). Et c'est malheureusement la seule originalité du scénario. Le reste s'avère commun, écrit sous forme d'un long flash-back. De nombreux retournements et rebondissements dynamisent l'histoire, mais restent incapables de captiver.
Il est déplorable que tous les personnages, dont Vidocq, soient aussi peu consistants. Leur profil psychologique tient dans une dé à coudre : le héros malin, le compagnon fidèle mais bourru, etc. En outre, Jean-Christophe Grangé a choisi pleinement le genre fantastique, alors qu'il aurait été plus habile d'en rester à la frontière. Du coup, le film est peu plausible, et par moments risible.
Et puis surtout, la fin est aussi ratée que celle du précédent Jean-Christophe Grangé, Les Rivières Pourpres. A force de rechercher la chute à tout prix, on arrive à des choses complètement tirées par les cheveux.
Quelques bons points cependant. Les acteurs s'en tirent bien (surtout Depardieu, toujours excellent, et André Dussolier, remarquable). Les dialogues sont bien écrits et ne sonnent pas faux comme dans le précédent film « d'époque » à gros budget Le Pacte des Loups.
Mais en ce qui concerne la musique, il faut noter qu'après Belphégor et Les Rivières Pourpres, Bruno Coulais semble être devenu le compositeur attitré des grosses productions françaises. On se dit avec regret qu'il s'agit d'une espèce de Jerry Goldsmith, à écouter sa dernière composition au kilomètre, plein de recettes de cuisine, et au thème copié sur celui de Dracula composé par Wojciech Kilar. On supposera magnanimement que la partition a été écrite rapidement, pour être aussi bâclée, d'autant que par le passé certains travaux de Bruno Coulais ont montré qu'il pouvait faire beaucoup mieux. Certes, rien à redire au sujet des orchestrations, ni même de l'efficacité générale de sa composition. C'est une vertu très hollywoodienne que de bétonner l'aspect technique pour jeter de la poudre aux yeux et cacher le manque d'inspiration. Mais je n'avais pas pensé trouver de la part du compositeur d'Himalaya et de Microcosmos une musique aussi scandaleusement commerciale et soupesque que celles de Dinosaur ou d'Air Force One.
Vidocq, en résumé, n'entrera donc dans l'histoire que pour ses innovations techniques, et c'est bien dommage qu'avec une pareille réunion de talents et de budgets, et surtout autant de travail, il n'ait pas été possible de faire mieux.