Avec : Wiley Wiggins, Ethan Hawke, Julie Delpy, John Christensen Durée : 1:37 Pays : USA Année : 2001 Web : Site Officiel

Plus qu'une nourriture pour l'esprit, Waking Life est un festin philosophique et visuel. Entre ses scènes d'immolation, ses flottements en apesanteur, ses airs de tango, ses burritos cuits au micro-onde, et son discours existentialiste, Linklater a créé un film provocateur.

Nous rencontrons tout d'abord un garçon qui s'envole dans le ciel à moins qu'il n'ait une prise ferme. Nous le suivons ensuite dans sa vie adulte (sous les traits de Wiley Wiggins) dans un pays onirique, au fil de rencontres et situations aussi diverses que surprenantes. Suite à un accident de voiture survenant au début du film, une question ne cessera de hanter le spectateur comme le protagoniste, à savoir s'il est dans le coma ou proche de la mort.

Waking Life se laisse surtout admirer pour son visuel et écouter religieusement. Le scénario est relégué au second plan pour se concentrer sur les échanges d'idées. Des conversations et monologues variés sur des sujets philosophiques connus, mais aussi des théories personnelles plus ou moins douteuses, prennent forme, le plus souvent à propos des rêves et de l'instant qui précède le réveil. Une dose nécessaire d'existentialisme colore les discours et "ruminations" d'une galerie de personnages originaux.

Linklater a tourné le film en digital, employant une version moderne du rotoscoping—un procédé qui crée un dessin animé à partir d'images réelles. Le tout a été ensuite coloré grâce à un logiciel créant des couches de couleur. Le résultat est d'une grande beauté : impressionnisme et dessin animé se fondent pour créer des images d'une qualité onirique comme on n'en a jamais vues.

L'existentialisme est omniprésent dans le film. Si c'est la croyance qui veut que "les gens aient une liberté de choix totale dans un univers absurde, avec une pointe d'aliénation et d'inquiétude", Wiggins l'incarne parfaitement et montre que cette théorie n'est pas sans espoir. Sur la vingtaine de rencontres qu'il fera, toutes lui donneront l'occasion de réfléchir sur leurs principes. On appréciera particulièrement que ce long métrage offre autant d'idées sans jamais les imposer ou prendre le spectateur de haut.

Comme un rêve, le film se déplace avec fluidité d'une idée à l'autre, scène après scène, sans beaucoup d'explication, hormis pour l'acceptation implicite que les rêves permettent ce que la réalité n'autorise pas. Voir Julie Delpy et Ethan Hawke pratiquer la philosophie en chambre puis deux hommes s'entretuer dans un bar à propos du contrôle des armes à feu ("une populace bien armée est la meilleure défense contre la tyrannie") nécessite bien une suspension de la réalité. Steven Soderbergh fait une apparition tout comme le réalisateur Richard Linklater (en dieu du flipper penseur, non moins). Quelques critiques ont reproché à Waking Life de trop ressembler à une discussion d'étudiants. Pourquoi pas ? Eviter des explications faciles est un exercice utile de temps en temps. C'est certainement préférable au marketing et prosélytisme honteux qui envahissent les médias. Il est aussi agréable de voir un film qui n'essaie pas de vendre un quelconque produit ou une bande originale faisant la promotion de groupes qui n'ont rien à voir avec le film. Et justement, en parlant de musique, on ne pourrait trouver mieux que le tango pour porter de telles rêveries.

Les rencontres d'un somnambule en apesanteur rassasient le désir de voir quelque chose de plus que des bavardages égoïstes à l'écran. Un vide dans le cinéma vient d'être comblé et devrait engendrer une discussion constructive sur la culture au lieu d'une série d'avis épars sur des non événements actuels basés sur les médias populaires.

  Anji Milanovic


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