Avec : Ewan McGregor, Tilda Swinton, Peter Mullan, Emily Mortimer
Scénario : David MacKenzie
Titre Original : Young Adam
Durée : 1:33
Pays : USA, G.B.
Année : 2003
Site Officiel : Young Adam
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Adapté d'un roman d'Alexander Trocchi, une figure de la Beat generation, Young Adam de l'Ecossais David Mac Kenzie vogue lentement sur des eaux troubles, emportant dans son sillage des personnages englués dans une vie aux lendemains bouchés.
Ecosse, dans les années 50. Joe travaille sur la péniche de Les et de Ella. Le long des canaux entre Glasgow et Edimbourg, le trio livre des sacs de charbon. Un jour, les deux hommes repêchent le cadavre d'une noyée. Alors que Les attend avec impatience que les manchettes mentionnent leurs noms, Joe se lance dans une relation secrète avec Ella.
Si le roman de Trocchi fournit les thèmes et la trame de l'histoire ici racontée, la mise en scène de Mac Kenzie s'intéresse avant tout à composer une atmosphère à l'image de la vie de ses personnages, c'est-à-dire crasseuse. Comme le charbon qu'ils transportent, leur existence semble recouverte d'une couche de suie et de poisse, sur laquelle plane l'ombre de la mort. Une impression brillamment renforcée par la photographie, qui utilise une palette de couleurs allant du noir de la nuit et de la houille, au bleu de l'eau. Le générique annonce à lui seul la couleur : un corps dérive, les cheveux emmêlés flottant au gré du courant, et filtrant les rais de lumière qui transpercent la surface de l'eau.
Joe, personnage central, apparaît comme un anti-héros dont ne sait rien. Seuls les flashes back donnent des éléments sur sa relation avec le cadavre, Cathie, fort utiles pour comprendre ses réactions et mettre à nu ses émotions face aux événements. Tout le long du film, il traîne des démons qui l'empêchent d'espérer toute rédemption. Pour fuir le sentiment de culpabilité, lorsque la police arrête un innocent, et pour combler le vide émotionnel de son existence, ce spectre de lui-même, écrivain raté, se jette dans des relations sexuelles dénuées de toute passion. Ces scènes érotiques et macabres, parmi les plus réussies du film, témoignent du marasme existentiel des personnages.
Saluons au passage le jeu des acteurs, Ewan McGregor et Tilda Swinton en tête. Ils donnent à leurs étreintes quasi-animales un sentiment de profonde solitude. Les regards se perdent dans le néant et les gestes se refusent à toute sensualité. Une résignation maudite guide la progression des personnages, aussi lente que la péniche, aussi monotone que les canaux qu'elle emprunte. Ces êtres sans avenir ont depuis longtemps capitulé, au point de sombrer dans la médiocrité, lorsqu'ils se surprennent à rêver. « On s'installera dans un bungalow dans la banlieue d'Edimbourg. » C'est ainsi qu'Ella envisage son avenir avec son nouveau compagnon Joe. Le mari, évincé, se retire sans même se battre ou exprimer sa colère.
Sécheresse existentielle, destins embourbés : le film de David Mac Kenzie ne parle que de ça. La musique de David Byrne, cordes et piano, rythme la gluance du film et lui prête une note de nostalgie supplémentaire. Une réussite.