Homme de lettres, entrepreneur, dilettante passionné et scientifique à ses heures, Marcel Pagnol sera élu à l'Académie Française le 27 mars 1947. Mais c'est sans aucun doute sa contribution au patrimoine cinématographique français qui restera dans les annales, l'imposant à tout jamais comme le pionnier des cinémas provençal et marseillais.
LA TRILOGIE MARSEILLAISE
En 1930 Pagnol, qui triomphe déjà comme auteur dramatique, découvre le cinéma parlant à ses premiers balbutiements. Pressentant le potentiel de ce moyen d'expression, il se rapproche de la Paramount qui vient d'installer ses studios à Joinville. Les studios lui rachètent les droits de deux de ses pièces de théâtre, Topaze crée à Paris le 9 octobre 1928 et Marius le 9 mars 1929, qui seront tournées respectivement en 1931 et 1932.
Marius (poster à droite) est mis en scènes par Alexandre Kordas qui tente d'imposer à Pagnol sa propre distribution. Ce dernier gardera toutefois les acteurs qui interprètent déjà sa pièce sur scène — Raimu, Pierre Fresnay, Orane Demazis, Charpin et les autres qui ont triomphé avec plus de 800 représentations. La Paramount produisant alors ses films en plusieurs versions, Marius est donc tourné dans les mêmes décors en trois versions, avec des acteurs français, allemands, suédois, les équipes se succédant sur le plateau.
Bien que Pagnol ait adapté lui-même Marius pour le cinéma, la Paramount confie l'adaptation de Topaze à Léopol Marchant, auteur à succès et par ailleurs ami de Pagnol. La mise en scène est signée Louis Gasnier qui a travaillé à Hollywood. Louis Jouvet et Edwige Feuillère tiennent les rôles principaux. On rapporte cependant que Pagnol déclara au sujet de Topaze "la Paramount a assassiné mon oeuvre". Mécontent, il en tournera une deuxième version avec le comédien Arnaudy dans le rôle titre en 1936, puis une troisième en 1950.
Pagnol décide ensuite de tourner Fanny — la suite de Marius, créée le 5 décembre 1931 au « Théâtre de Paris ». Pagnol et Roger Richebé, un propriétaire de salles, en sont les co-producteurs. Pour en assurer la distribution, ils fondent « Les films Marcel Pagnol ». Le film est mis en scène par Marc Allégret tandis que Raimu, Pierre Fresnay et Orane Demazis reprennent leurs rôles. Le succès de Marius et Fanny est considérable mais des nostalgiques du cinéma muet déclenchent une cabale virulente contre Pagnol. Celui-ci répondra comme il se doit aux attaques dans la revue qu'il vient de fonder, Les Cahiers du film.
Fin 1933 Marcel Pagnol se sépare de Roger Richebé et fonde sa maison de production « Les Auteurs Associés ». En 1935 « Les Auteurs Associés » sont regroupés avec « Les Films Marcel Pagnol ». Marcel Pagnol établit ses bureaux et un petit studio à Marseille — 12 impasse des peupliers sur la première partie de l'avenue du Prado, avoisinant l'hopital St Joseph — où seront tournées entre autres des scènes de César.
Il achète aussi 25 ha. de garrigues entre le village de la Treille (où il sera inhumé le 26 avril 1974) et le massif du Garlaban, près de la ville d'Aubagne (où il est né) à l'Est de Marseille. Ce coin qu'il connaît bien et où il a passé une partie de sa jeunesse (voir son livre Souvenir d'enfance) deviendra son lieu de prédilection pour tourner des films ayant un parfum de terroir comme Jofroi (1933 — avec le compositeur Vincent Scotto dans le rôle titre), Angèle (1934) et Regain (1937), toutes trois adaptations d'oeuvres de Jean Giono. Pour tourner Angèle, Pagnol fait retaper par son ami d'enfance Marius Broquier, un artisan maçon à la Treille, une ferme transformée en lieux de tournage. Celle-ci, située dans un vallon jouxtant le massif des « barres de Saint Esprit », sera aussi utilisée pour Regain. C'est Orane Demazis qui incarne Angèle tandis que Fernandel interprète Saturnin, un rôle marquant dans sa carrière.
En 1936 Pagnol tourne César, dernier chapitre des amours entre Marius et Fanny. Les trois films constituent la Trilogie qui atteint une renommée mondiale grâce à de nombreuses scènes mémorables dont la fameuse partie de cartes, le dosage du picon-citron-curaçao et quelques moments émouvants entre Marius et César. La plupart des scènes de la Trilogie seront tournées à Marseille, à la place aux huiles, aux Pierres plates, à Notre Dame de la Garde, à l'avenue du Prado, sans oublier le ferry-boat.
Plusieurs adaptations de la Trilogie verront le jour : Une version allemande de Fanny est réalisée à Berlin en 1934 tandis qu'un condensé de la Trilogie est filmé à Hollywood en 1938. En 1961, une coproduction américaine est montée pour la Warner Bros à Marseille et Cassis avec dans les rôles titres Maurice Chevalier (César), Horst Bucholz (Marius), Leslie Caron (Fanny) et Charles Boyer (Panisse). Joshua Logan qui a déjà adapté Fanny en comédie musicale au Majestic Théater de New York en assure la réalisation. Plus près de nous, la version de Nicolas Ribowski qui voit Roger Hanin reprendre le rôle de César, ne laissera pas un souvenir impérissable, bien au contraire.
Malgré de nombreuses tentatives de remakes, l'œuvre originale restera donc inégalée, tant la réalisation comme les interprètes — Raimu (dont Pagnol s'est inspiré pour créer le rôle) et Pierre Fresnay (que l'on retrouvera méconnaissable dans La Grande Illusion de Renoir) en particulier — sont indissociables de la Trilogie.
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