Avec : Owen Wilson, Gene Hackman, Gabriel Macht, Charles Malik Whitfield Durée : 1:45 Pays : USA Année : 2001 Web : Site Officiel

Le lieutenant Chris Burnett (Owen Wilson) est copilote à bord d'un chasseur F/A18 Superhornet. Il sert sur un porte avions américain en mission au large de la Yougoslavie. Nous sommes il y a une petite dizaine d'années, et le conflit fait rage en Bosnie.

Burnett s'ennuie ferme. Les seules sorties qui cassent sa routine, lorsqu'elles ne sont pas annulées à la dernière seconde, sont de soporifiques missions de reconnaissance. Il s'ennuie tant et si bien qu'il a pris la grave décision de quitter l'armée. Son chef, l'amiral Reigert (Gene Hackman) le désapprouve et lui fait savoir en des termes peu élogieux.

Quelques jours plus tard, il est envoyé en mission de routine. Il s'envole pour prendre quelques photos aériennes. Apercevant quelque chose d'anormal, il prend la décision de s'écarter de sa route afin d'en savoir plus, et il est abattu par des missiles serbes. Son avion s'écrase, et Burnett, sauvé par son siège éjectable, atterrit derrière les lignes ennemies. Là, il va bientôt faire l'objet d'une redoutable chasse à l'homme.

En s'inspirant très librement d'un fait réel survenu pendant la guerre (la mésaventure du Capitaine Scott O'Grady), le film se veut une vision réaliste des conflits modernes, en l'occurrence l'intervention de l'OTAN dans le conflit serbo-bosniaque.

Pourtant, rarement autant d'énormités se sont côtoyées dans un seul et même film. La moins originale de toutes, parce que vue et revue au cinéma, et une des plus flagrantes, c'est celle qui consiste en la tentative de nous faire croire qu'un homme seul peut survivre contre une armada de miliciens tous méchants et plus bêtes les uns que les autres lancés à ses trousses. Autre vieille absurdité recyclée, celle où l'armée prendrait le risque de créer un incident international pour récupérer un soldat qui n'a pas suivi les ordres. On sait combien d'œuvres navrantes ont vu le jour de ces deux clichés.

Le récent Spy Game jouait aussi avec cette dernière aberration, puisque une troupe d'américains en hélicoptères faisait un raid en Chine pour arracher un espion américain en mission perso dans une prison chinoise. Les GIs tiraient dans tous les sens, y compris et surtout sur des militaires chinois. On imagine facilement qu'un tel acte (de surcroît ordonné par un simple employé de la défense) signifierait le début d'une guerre sino-américaine. Pourtant, le film fonctionnait en dépit de ses erreurs, ce qui tendait à faire croire qu'il est possible, malgré un tel handicap, d'échapper au naufrage.

Avec En Territoire Ennemi, c'est raté. Certes, l'opération de sauvetage est clairement interdite par le supérieur de l'amiral Reigart, l'Amiral portugais Piquet (Joaquim de Almeida) lequel invoque le maintien de la paix qui prévaut sur le sauvetage d'un homme. Mais ça ne change rien, puisqu'en définitive l'Amiral Reigart se fiche du maintien de la paix et lui désobéit. Je note en outre que l'indiscipline est, on le comprend bien dans le système militaire hiérarchisé, une des plus graves violations du code. Malgré ça, on apprend qu'en fait le général fautif écopera d'une simple mutation dans un bureau, ce à quoi il préfèrera prendre sa retraite !

Ainsi, d'un bout à l'autre, les clichés et les énormités s'amoncellent : par exemple, le personnage du brave amiral Reigart qui est rude et bourru, mais en fait un vrai père pour tous ses p'tits gars. Le comble de l'absurdité survenant lorsque le jeune héros Américain poursuivi par trois miliciens se prend les pieds dans une dizaine de déclencheurs de bombes antipersonnel. Alors, il pique un sprint, et parvient à courir si vite que les explosions ne l'égratignent même pas. En plus, c'est pratique, ce sont ses poursuivants, à 50 mètres de distance, qui sont découpés en morceaux par les explosions !

Facile de railler sans doute, au vu du grand nombre d'incohérences qui n'ont besoin de personne pour être ridicules. Alors, je préfèrerai montrer du doigt un désagréable leitmotiv du cinéma hollywoodien bien-pensant, qui veut que seuls les Américains soient de gens biens. Il s'agit encore du cas dans En Territoire Ennemi, puisque l'Amiral Piquet ne se soucie pas de la vie des petits soldats américains (il leur préfère la paix) ; et que tous les Serbes sont d'horribles bouchers idiots et maladroits. Le seul Serbe valable étant ce jeune élevé à la culture américaine, qui parle bien anglais, et connaît par cœur Ice Cube. Par conséquent, il est du bon côté, il ne peut être qu'intelligent ; et il est courageux, forcément.

Pour rendre justice au film et à son réalisateur, la mise en scène de John Moore n'est pas souvent en cause. Une ou deux scènes sortent même du lot, notamment celle où le pilote essaie désespérément de se débarrasser des missiles qui le traquent, et est finalement abattu. Une scène qui n'est pas plombée par la bêtise, et qui se révèle très efficace.

Les acteurs sont très plats. Owen Wilson n'est visiblement pas à la hauteur de son rôle, quant à Gene Hackman, on se demande comment il a pu atterrir dans ce navet. Il en fait des tonnes dans le registre qui avait fait son succès avec USS Alabama. Dommage, En Territoire Ennemi n'est pas USS Alabama.

Un film d'action pure, donc. C'est ce qu'on dit quand il n'y a rien d'autre à mettre en valeur. Est-ce que ce film fait réfléchir ? Sans doute, puisqu'on se demande en premier lieu pourquoi on est allé le voir. Et puis on se demande aussi pourquoi les miliciens sont si haineux ? Pourquoi, armés de kalachnikovs, guidés par un chef militaire apparemment aussi méchant que malin et aidés de jeeps et de chars, ils sont incapables de tuer un américain blessé et fatigué, perdu dans des collines où il n'a jamais mis les pieds — mais qu'eux connaissent comme leur poche ? Pourquoi le prétendu tireur d'élite tire aussi mal ? etc.

Vaines questions je crois dont la liste serait trop longue à dresser. Inutile de tenter d'y répondre. Ce serait perdre davantage de temps alors que vous avez déjà perdu près de deux heures devant ce triste gâchis de pellicule, sans compter les quelques minutes à lire ces lignes. Non. Allez plutôt voir (ou revoir) No Man's Land. Il n'y a pas de superhéros américain, mais pourtant c'est vraiment bien.

  Laurent Ziliani