La Mauvaise Education
Réalisé par Pedro Almodovar
Avec : Gael Garcia Bernal, Javier Camara, Fele Martinez, Daniel Gimenez Cacho
Scénario : sName
Titre Original : La Mala Educacion
Durée : 1:50
Pays: Espagne
Année : 2004
Site Officiel : La mauvaise éducation
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C'est sur le mot « passion » que se referme l'incandescent film de Pedro Almodovar, La Mauvaise Education, œuvre somme précédée d'une réputation sulfureuse. La passion consume effectivement le film et les personnages de l'intérieur. Les âmes révèlent leur noirceur, au fur et à mesure que progresse le film le plus ambitieux et le plus personnel du réalisateur espagnol. Raconter cette « œuvre au noir », paradoxalement sensuelle et bigarrée, tient de la gageure, tant la structure narrative et filmique s'avère complexe. Fondé sur un subtil jeu de miroirs, le film donne le vertige, en raison de ses nombreuses mises en abîmes et l'éclatement de ses temporalités, orchestré avec maestria.
Deux jeunes garçons, Enrique et Ignacio, font l'expérience douloureuse de l'amour dans une institution religieuse franquiste, au beau milieu des années 60. Ignacio est harcelé par le père Manolo qui lui voue une passion dévorante et exclusive. Les années passent. Enrique est devenu réalisateur. En panne d'inspiration, il découpe les faits divers dans les journaux, pour trouver un sujet que lui apporte, de manière inopinée, son ancien camarade Ignacio. Mais quelle est la véritable identité de ce délétère messager, à la beauté diabolique ?
Le film fonctionne comme un double récit d'apprentissage, à la fois du regard (les enfants font leur éducation « en positif » au cinéma) et de la sexualité. Almodovar emprunte également au film noir, dont il détourne les motifs pour atteindre à une vraie puissance de figuration visuelle. La duplicité caractérise ontologiquement les personnages, réminiscences des héros de film noir. Le beau visiteur (Gael Garcia Bernal), fils spirituel de Barbara Stanwyck, a tout de la femme fatale. Froid, calculateur, immoral, le sexe représente pour lui un moyen d'arriver à ses fins. Ce troublant imposteur se fait appeler Angel, autre référence au film noir (Angel Face d'Otto Preminger). Ange ou démon ? Le mystère qui l'entoure participe de son pouvoir érotique sur son entourage. Quant au couple d'amants criminels qu'il forme avec M. Berenguer, il évoque celui de Assurance sur la Mort de Billy Wilder.
La Mauvaise Education oscille entre différentes polarités : homme/femme, bien/mal. Les personnages ne sont pas doubles, mais triples, démultipliés à l'infini. La scène où Ignacio enfant se fend le crâne, s'avère déterminante. Un mince filet de sang s'écoule sur son visage, le partage en deux. Cette scission contamine le film (l'écran se déchire), tout en fondant intimement l'existence des personnages.
Almodovar excelle dans le mélange des genres. Sous le manifeste hommage au film noir pointe l'autobiographie. Enrique Goded (Fele Martinez), alter ego de Pedro Almodovar, voit son parcours artistique rejoindre celui du réalisateur, en de nombreux endroits.
D'autre part, Almodovar recourt à l'auto citation. La visite à l'église fait écho à celle de La loi du Désir (1988) avec Carmen Maura..
La Mauvaise Education, brûlot à la croisée de toute l'œuvre du cinéaste, palpite d'une beauté ardente. Ce film réaffirme, de manière vibrante, un désir intarissable de cinéma., tout entier contenu dans la dernière phrase du film : « et il continua à faire des films avec passion ».
Sandrine Marques
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