Comme chaque année, Hollywood se lance à la conquête du box office américain en jouant la carte du patriotisme et de la nation en péril. L'année dernière, Emmerich nous offrit Mel Gibson repoussant l'invasion des troupes de sa majesté dans The Patriot. Cette année, c'est au tour du tandem Bay-Bruckheimer (Armaggedon, Con Air, The Rock) d'exploiter le filon avec l'attaque de Pearl Harbor et Ben Affleck en héros improbableje suspecte que l'année prochaine John Woo nous présente un remake de Alamo avec Tom Cruise dans le rôle de Davy Crockett.
Pearl Harbor est construit en trois parties: les amants de Pearl Harbor, l'attaque de Pearl Harbor et Pearl Harbor contre-attaque. Il n'aura échappé à personne que le film ressasse Titanic sur fond de guerre. Tous les ingrédients sont là: scènes romantiques et prises de vues impressionnantes de bateaux en perdition avec l'armée japonaise dans le rôle de l'iceberg.
La première partie introduit les protagonistes pris dans un trio amoureux, une tendance décidément en vogue dans les films de guerre du moment (voir Stalingrad). Ben Affleck et Josh Hartnett interprètent deux pilotes Rafe et Danny, amis d'enfance élevés dans le Tennessee, qui sont amoureux de la même infirmière Evelyn (Kate Beckinsale). Lorsque Rafe, parti combattre en Angleterre, est porté disparu, Danny prend naturellement sa place dans le coeur de celle-ci. Et quand Rafe réapparait (sans grande surprise) le trio se voit confronté au même conflit moral qui avait affecté Tom Hanks et son ballon de volley dans Cast Away. Cette première partie, la plus ennuyeuse, est bien plus artificielle que les effets spéciaux du film. C'est un de ces films où les lettres d'amour s'écrivent au bord de la mer et sont brulées par dépit sur les plages et où les scènes romantiques ressemblent à une publicité pour un parfum.
Arrive enfin l'attaque. La réalisation de Bay qui a construit sa réputation sur les effets pyrotechniques de films comme Armaggedon prend alors son envol. Les scènes sont spectaculaires et sa dextérité dans le mouvement est certaine. Du bombardement aux batailles aériennes, ces scènes sont grandioses et réalistes. Bay alterne champ large et détails ce qui permet d'avoir une perspective générale de l'ampleur des dégâts tout en partageant l'expérience personnelle des milliers d'hommes et de femmes pris au piège. Dans ce deuxième acte, les personnages sont relayés au second plan pour se concentrer sur l'évènement. Au contraire de Titanic où le couple avait assez de présence pour rivaliser avec l'importance du paquebot aux yeux du spectateur, il est clair qu'ici les vraies stars du film sont ces navires de guerre frappés par le raid japonais. On pourrait alors, avec justesse, penser que le film s'achève ici sur un haut point.
Bien au contraire, commence alors une troisième partie où nos deux pilotes qui s'étaient fait remarquer par leur héroïsme sont choisis pour une mission vengeresse contre le Japon. On entame une troisième heure où le film retombe à plat. Cet épilogue n'a évidemment d'autre utilité que de ne pas laisser le spectateur sur un sentiment de défaite et de résoudre les problèmes sentimentaux et moraux des trois personnages principaux. Se voyant pris au piège du film, on ne peut que prier que le film ne continue pas sur sa lancée jusqu'au débarquement en Normandie puis la prise de Berlin.
Si l'histoire d'amour est ennuyeuse, le jeu des acteurs la rend d'autant plus indigeste. A commencer par Ben Affleck. Hollywood, en panne de héros dans sa jeune génération, semble avoir jeté son dévolu sur Affleck, un acteur de comédies indépendantes et irrévérencieuses avant-tout. S'il est parfait dans les quelques passages d'humour en jeune homme maladroit et charmant, il est toutefois épouvantable dans les moments dramatiques. Etrangement, il a au début l'accent du Tennessee qu'il perd pour le reprendre ensuite furtivement au retour de son épisode européen en Angleterre et en France. A croire que quelques guiness ou un bon camembert ont des vertues inattendues. Kate Beckinsale et Josh Hartnett sont quant à eux assez transparents pour ne jamais convaincre. Seul Baldwin apporte un certain relief, lorsqu'il n'en fait pas trop.
Le long métrage semble aussi être un moyen pour le réalisateur, champion de films dits "pop-corn", de trouver une nouvelle crédibilité à l'exemple de Spielberg avec Schlinder's List et Saving Private Ryan: la campagne de promotion tapageuse de Disney et les interviews n'ont cessé de mettre en avant le souci de réalisme et l'hommage porté aux survivants de l'attaque.
A vouloir trop mélanger les genres pour combler toute la famille (chaque génération y trouvera son dû), Pearl Harbor devient un candidat parfait pour le format DVD qui vous permettra d'accéder directement à l'attaque du port où vous pourrez bénéficier du son et des effets sans pour autant endurer le reste de l'histoire.