Avec : Jean Reno, Ryoko Hirosue, Carole Bouquet, Michel Muller
Durée : 1:34
Pays : France
Année : 2001
Web : Site Officiel
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Bien plus que Jean-Paul Sartre ou François Marie Arouet -- qui pourraient se promener incognito dans les rues de Tokyo --, Luc Besson et Jean Reno sont des stars adulées au pays du Soleil Levant. Il suffit de demander à des jeunes Japonais d'aujourd'hui de donner un nom de réalisateur français pour s'en assurer : Luc Besson recueillera très vraisemblablement la majorité des voix. Et puis, interrogez-les ensuite de la même manière sur un acteur français. Sans nul doute, Jean Reno sera l'heureux élu.
Il y a donc un calcul de marketing (ou de mercatique) à l'origine de ce nouveau film produit et écrit par M. Besson, avec Jean Reno* : plaire au public français tout comme au public japonais. D'où, également, la présence de Hirosue Ryoko, jeune star de la pop et de la TV japonaises.
Hubert Fiorentini (Jean Reno) est un flic, un dur, une espèce de Belmondo du 21è siècle, honnête, mais dont les méthodes sont un peu trop « musclées » aux yeux de ses supérieurs. Pourtant, sous cette carapace d'acier, un cœur saigne. Depuis déjà 19 ans, Hubert pleure l'amour de sa vie, Miko, qui a mystérieusement disparu du jour au lendemain sans laisser d'adresse. A cette époque, Hubert travaillait au Japon, pour les services secrets français. De retour en France après le drame, il mène désormais une vie de solitaire, vie que même la belle Carole Bouquet ne peut illuminer, malgré force repas à la chandelle.
Mais diable, la vie est imprévisible ! Un jour, le téléphone sonne. C'est un notaire japonais, qui lui apprend la mort de Miko, laquelle a désigné sur son testament Hubert comme seul légataire universel. Abasourdi, notre héritier fonce à Tokyo, où plusieurs surprises l'attendent. D'abord, son ancien copain Momo (Michel Muller) travaille toujours dans les services secrets (et ne parle toujours pas japonais ; notez au passage que Michel Muller ayant environ 35 ans, il bossait donc dans les services secrets à 16 ans, ce qui est assez précoce). Mais surtout, Hubert se découvre… papa d'une fille exubérante (Hirosue Ryoko) !
Certes, il ne s'agit pas d'un scénario sur lequel M. Besson a travaillé pendant des années (en tout cas je l'espère pour lui). Mais aussi pauvre et démago qu'avait pu être l'histoire de Yamakasi, un de ses précédents produits cinématographiques, M. Besson cette fois se surpasse et nous offre une intrigue rachitique, avec des rebondissements invraisemblables, et un développement archi-conventionnel. Ceci dit, au moins cette fois n'a-t-il pas versé dans la violence gratuite qui caractérisait le médiocre Baiser (mortel) du Dragon.
Sans doute parce que Wasabi a été écrit et tourné en très peu de temps, le spectateur entre à peine dans le bain que, déjà, il est froid. Pour compenser un scénario aussi fade, on aurait pu penser que les scènes d'action seraient soignées, ce qui sauvait Taxi du naufrage. Mais là, pas de course poursuite, pas d'explosion, pas de combat digne de ce nom, et les quelques fusillades sont filmées de manière très plate. Alors, pas de sauvetage cette fois, le Wasabic coule en une heure et demie. Et même si Gérard Krawczyk avait eu de meilleures idées de mise en scène, le résultat aurait quand même ressemblé à un nanar.
Inutile par exemple de chercher quelque trouvaille intéressante dans la psychologie des protagonistes. Il n'y en a pas. Les personnages ont la naïveté de ceux de Tintin au Congo (mais au Japon). N'espérez pas davantage en apprendre incidemment sur le rapport père-fille ou sur la société japonaise.
Quant au suspense, il est définitivement noyé dès les premières minutes, parce qu'on sait très bien que Jean Reno va casser la figure à tout le monde et mettre de l'ordre dans sa vie. La vraie solution aurait consisté en la réécriture du scénario, en développant les rapports entre les protagonistes, et surtout, en ajoutant des personnages.
Parfois, même la mise en scène, pourtant assez simple, trébuche. Peut-être ainsi pourra-t-on rire devant quelques scènes comme le face à face golfesque et grotesque entre le chef des yakuza et Jean Reno, qui se termine sur une explosion tristounette, ou la très mauvaise séquence des retrouvailles entre feue Miko et Hubert, lequel comprend en quelques minutes qu'elle a été assassinée (ce que négligemment nul Nippon naïf n'avait noté).
Pourtant, le duo Michel Muller / Jean Reno tourne assez bien, et avec complicité. Mais soyons clairs : c'était dès le départ le seul atout commercial du film, son seul attrait vis-à-vis le grand public français, toujours ravi de voir le trop rare Jean Reno dans un rôle musclé et sympathique. M. Besson le sait très bien. Les spectateurs se sont déplacés pour Le Baiser (mortel) du Dragon parce qu'il y avait Jet Li, pour Taxi parce qu'il y avait des poursuites de voiture, pour Yamakasi parce qu'il y avait des cascades. L'échec de The Dancer, qui n'avait pas de tel atout commercial, le confirme.
Grâce à la composition honnête de ce duo de choc, cependant, on arrive à ne pas s'ennuyer. Mais c'est peut-être aussi parce que le film est si court (moins d'une heure et demie, générique exclu). Si court qu'il finit au moment où on attend un bouquet final - en fait à peine un pétard mouillé (la scène de la banque).
Le décor principal, Tokyo, est nouveau pour le spectateur français, et accroche l'œil. Quant à la pauvre Hirosue Ryoko, elle, fait de son mieux, mais n'arrive à convaincre personne. Il faut dire que son personnage frivole et invraisemblable est particulièrement mal écrit, une espèce de personnage d'anime hyper-stéréotypé sur fond de psychologie à la Leeloo : forte mais en fait fragile, elle a besoin d'être protégée.
Je note au passage qu'entre Wasabi, Le Grand bleu et Taxi 2, M. Besson semble avoir une idée très caricaturale des Japonais. Heureusement, le sort des Allemands dans Taxi 1 vient nous rassurer sur un point : ce n'est pas de la japonophobie, c'est seulement de la xénophobie.
Enfin, la BO tendance (et écoutable) techno / rap est à l'image du film : clairement destinée à être vendue séparément pour remplir la caisse. Vaste opération de merchandising (ou de marchandisage) ; comme pour tous les autres films produits par M. Besson, le livre sur Wasabi est également disponible en librairie, histoire d'empocher un peu davantage.
Ce film médiocre et bâclé montre en définitive que les auteurs ont voulu surtout faire une bonne opération commerciale. Le film est fait vite et mal, mais les tarifs pour le cinéma et les produits dérivés, eux, sont inchangés, et pas donnés. Les Jeunes n'ont pas beaucoup d'argent, mais ce n'est pas grave : M. Besson le leur prend quand même. Merci M. Besson.
* D'après le site officiel japonais, le film sortira en Janvier au Japon.