Avec : Takeshi Kitano, Tadanobu Asano, Michiyo Ogusu, Yui Natsukawa
Scénario : Takeshi Kitano
Titre Original : Zatoichi
Durée : 1:56
Pays: Japon
Année : 2003
Site Officiel : Zatoichi
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Après le mélodrame (Dolls), Takeshi Kitano revient à la « manière » japonaise, en mettant en scène un chambara ou film de sabre nippon, traversé par des fulgurances visuelles et narratives.
Tout en s'appropriant les codes intrinsèques au genre, Kitano évoque ses thèmes de prédilection : la représentation (le final a lieu sur une scène), le burlesque (contrepoint au désespoir et à la violence), ainsi que l'enfance et son pendant, l'innocence perdue.
Le réalisateur incarne ici Zatoichi, personnage récurrent d'une série télévisée populaire au Japon dans les années soixante. Cependant, il donne une envergure toute personnelle au masseur aveugle, samouraï émérite, excellant dans le maniement du sabre. Il nourrit ainsi le personnage de son humour et de son art consommé du décalage.
Kitano dépasse la citation, bien que son film se situe pleinement dans la continuité des productions des Shaw Brothers. Le réalisateur revisite le wu xia pian, genre mythique transcendé par le maître chorégraphe Yuen Wo-ping, à qui l'on doit les combats spectaculaires de Matrix, Tigre et Dragon, Hero et plus récemment le génial Kill Bill de Quentin Tarantino, avec lequel Zatoichi entretient de nombreuses correspondances. Wo-Ping, figure essentielle, a ainsi contribué à la résurgence et au renouveau d'un genre cinématographique codifié à l'extrême et très en vogue actuellement sur nos écrans.
Sur la trame classique de la vengeance, Kitano construit un film pléthorique, enchâssé par les récits de personnages rencontrés par le masseur : du couple de geishas au joueur de dés invétéré, en passant par la veuve rackettée, tous ont un compte à régler avec l'Organisation qui fait régner la terreur sur le village… à commencer par Zatoichi lui-même. Kitano joue sur les faux-semblants. La vérité est travestie pour se révéler progressivement, à l'instar de la fausse geisha (un jeune garçon que sa sœur a initié à l'art de la séduction) et du mystérieux masseur, dont le statut usurpé et la cécité factices lui permettent de parachever son entreprise de mort.
Loin d'être édulcorés par le recours aux effets numériques, les combats, d'une violence rare (membres amputés et effusions de sang dans la plus pure tradition japonaise) frappent par leur fulgurance, leur virtuosité et la rythmique qui les accompagne. L'habillage sonore du film se révèle des plus inventifs. Ainsi, l'usage de la musique électronique, qui entoure les combats, surprend chez Kitano. La plupart des scènes imposent leur rythme singulier (des tintements jusqu'aux percussions, pour finir sur un logique numéro de claquettes, figuration de la rencontre entre l'Orient et l'Occident comme dans Aniki, mon Frère). Cette bande son originale confère à la plupart des séquences leur lyrisme ou leur fantaisie.
Mais en dépit de ses nombreuses qualités formelles, pourquoi considérer Zatoichi comme une production mineure dans l'œuvre de Kitano ? Tout simplement parce que le cinéaste avait enchanté notre regard avec des films traversés de part en part par une émotion et une poésie qui font cruellement défaut ici (Hana Bi, Sonatine). L'alternance de séquences burlesques et mélodramatiques fonctionne beaucoup moins bien dans Zatoichi, car elle crée des ruptures narratives, à l'inverse des précédents films de Kitano où ces deux pôles coexistaient harmonieusement. Il n'empêche, « tous les combats sont grandioses pour le victorieux » !