Avec : Julian West, Henriette Gérard, Jan Hieronimko, Sybille Schmitz
Durée : 1:12
Pays : France/Allemagne
Année : 1932
Basé sur: In A Glass Darkly
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Dirigé en 1932 par Carl Theodor Dreyer, plus connu pour La Passion de Jeanne d'Arc, Vampyr, ou l'étrange aventure de David Gray, curieux mélange de vampires et de fantômes, s'avère surtout le précurseur d'un genre (re)lancé par Le Sixième Sens.
Adaptation libre d'une nouvelle de Joseph Sheridan Le Fanu (In A Glass Darkly), le film suit les va-et-vient intempestifs dans un hôtel puis un château de David Gray, un chasseur de phénomènes paranormaux.
Doté d'une narrative assez évasive, Vampyr ressemble plus à une série de saynètes ayant pour thème l'au-delà et le vampirisme qu'à une œuvre à part entière. Le réalisateur distille les futurs ingrédients du genre du film d'horreur sans véritables liens et sans jamais arriver à construire l'angoisse. En résulte un film baroque qui prévaut par une originalité certaine. Vampyr est d'abord un hybride de film parlant et de film muet. Pour son premier long métrage sonorisé, Dreyer n'abandonne pas pour autant l'emploi d'intermissions écrites résumant l'histoire. Cette coproduction franco-allemande offre aussi un étrange mélange d'acteurs et de décors français avec des dialogues en allemand. Enfin, le film croise deux genres de l'horreur, les vampires et les revenants.
Autre curiosité, l'image floue et grisâtre, résultat impromptu de l'entrée de la lumière dans la caméra qui donna l'idée au réalisateur de tourner Vampyr entièrement de cette façon. A l'atmosphère lugubre s'ajoutent les décors sinistres d'Herman Warm à qui l'on doit aussi ceux du Cabinet du Dr Caligari. Le film n'a cependant pas de dimension artistique. Vampyr a plutôt une valeur symbolique, offrant une succession d'allégories visuelles.
A commencer par l'arrivée à l'hôtel marquée par la faucheuse sonnant une clochette. Un indice assez révélateur, qui après la rencontre des autres hôtes, aussi difformes les uns que les autres, semble faire de cet hôtel une succursale de l'enfer. L'atmosphère lugubre, la présence de tableaux sinistres et des voix venues de nulle-part n'arrangent évidemment pas les choses.
David Gray part alors explorer le voisinage, ce qui nous permet de découvrir une succession d'éléments qui ont depuis été recyclés à maintes reprises dans le cinéma d'horreur. A commencer par une clé qui tourne toute seule dans une serrure en passant par l'utilisation des ombres symbolisant les morts (déjà utilisées dans Nosferatu), des morsures de vampires, un assassinat dans un manoir et une mort dans un silo. On trouve aussi un bal de fantômes qui a certainement inspiré le culte Carnival of Souls. Le film abonde aussi de squelettes tandis que l'emploi de difformités trouve un écho dans le cinéma de David Lynch. Mais, le moment le plus marquant est sans aucun doute un retournement de situation, qui depuis Le Sixième Sens et Les Autres semble faire les beaux jours du cinéma d'horreur actuel. Une similarité étonnante qui, volontaire ou non, ne fait que confirmer l'inventivité des pionniers du septième art et confronte les limites créatrices du cinéma contemporain.
A Noter le film est suivi sur le DVD par un court-métrage sinistre mais amusant qui utilisait déjà à l'époque le rêve comme retournement de situation.
Fred Thom