David Lynch & John Neff
Bluebob
Voyage au fond d'une Amérique à mi-chemin entre la désolation et le rêve, Bluebob est un disque âpre forgé dans un blues industriel graisseux et surtout le nouveau projet d'un artiste pluridisciplinaire, un peintre reconverti réalisateur du nom de David Lynch.
Enregistré dans la grotte lynchienne, studio situé dans la cave de sa maison sur les hauteurs de Los Angeles, David Lynch et John Neff ingénieur du son devenu alter ego musical créent d'abord une structure à base de boites à rythmes et de samples. Puis, assis sur une chaise, sa guitare posée à l'envers sur les genoux, Lynch improvise à grand renfort de larsens, tandis que Neff, bassiste et guitariste, récite des bouts de textes épars issus de l'imagination du réalisateur et collectés depuis des années dans une boite de pandore.
Plus qu'un complément de ses films, Bluebob officie comme un « remake » musical troquant la caméra de Lynch et un tracteur pour ses textes et de la musique industrielle comme véhicule. Le cinéaste emprunte ces routes perdues qui lui sont chères, de Straight Story à Lost Highway, pour achever son voyage dans la cité des anges perdus, sa ville, Los Angeles. Au détour d'allées sombres et poussiéreuses, il fait des rencontres étranges et louches. Son univers est peuplé de filles aux pull-overs roses, d'armes à feu, d'alcool, d'altercations, de rencontres avec la loi avec toujours en fond l' « Americana » ou Los Angeles. Il semblerait même que Beavis et Butthead fassent une apparition, à moins que ce ne soit un de ces nains maléfiques, ou bien Bob.
Si la direction musicale de Bluebob surprendra certains, aux antipodes de sa précédente collaboration au gothique Lux Vivens et de la délicatesse de l'univers d'Angelo Badalamenti, elle s'avère logique lorsque l'on sait que Trent Reznor (NIN) et Marilyn Manson font partie de son cercle. Si Lynch aborde ce disque à la manière d'un artiste, rejetant toute règle au profit d'une improvisation pure, le résultat n'est toutefois pas aussi innovateur que sa contribution au 7ème art. 30 ans plus tôt, Lou Reed, John Cale et le Velvet Underground, mythe fondateur du noisy rock et de l'industriel, défrichaient de la même façon le paysage musical. Ce qu'on remarque pourtant, c'est que Bluebob résonne de l'influence de groupes et artistes qui sont innovateurs dans leur genre. The Jesus & Mary Chain, The Pixies, Ministry et Tom Waits se croisent et se fondent dans la musique de Lynch baignée par son emblématique étrangeté. On voit parfois percer l'influence de ses bandes sons, à l'image du fameux thème psychédélique qui nous havait hanté dans Twin Peaks le film. Cette authenticité artistique permet-elle à Bluebob, de co-exister au-delà de l'ombre du réalisateur et de ses fans, pour devenir une entité musicale à part entière et trouver son propre public ? La réponse est oui.
Fred Thom
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