Avec : Tom Cruise, Jamie Foxx, Jada Pinkett Smith, Mark Ruffalo
Scénario : Stuart Beattie
Titre Original : Collateral
Durée : 2:00
Pays : USA
Année : 2004
Site Officiel : Collateral
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S'il est un réalisateur doté d'une vision urbaine située entre modernité et film noir, c'est sans aucun doute Michael Mann. Chez Mann, la ville quitte l'arrière plan, passant de décor à être de chair, desincarnée en femme fatale belle et dangereuse, dont l'influence affecte irrémédiablement le destin de ses habitants-personnages.
Si Mann a laissé une empreinte indélibile sur le paysage télévisuel, brossant un portrait à la fois glamour et pernicieux de Miami avec la série Miami Vice, c'est tout naturellement qu'il se tourna ensuite vers Los Angeles, alter-ego de la côte Ouest tout autant démesuré, au propre comme au figuré. Dans Heat, le cinéaste approche L.A. comme une étendue sauvage, champ de bataille infini et transposition moderne du desert des westerns. Mann plonge alors au sein de la cité des anges avec Robbery Homicide Division, série toute aussi superbe, qui troque les grands angles et la chaude lumière californienne pour une approche quasi-microscopique et nocturne de son microcosme glauque et vicieux.
Avec Collateral, Mann offre sa vision de la ville la plus contrastée, que ce soit visuellement ou thématiquement. Visuellement, car le réalisateur nous abreuve de nouveau de plans vertigineux, reflets de cette ville disproportionnée, tandis que sa caméra digitale explore la profondeur de la nuit dans ses mondres détails. Thématiquement, car cette ballade nocturne sur les pas d'un tueur à gage nous fait découvrir un Los Angeles sophistiqué plutôt que ses bas-fonds. L'histoire très linéaire un tueur (Vincent qui a les traits d'un Tom Cruise grisonnant) qui prend en otage un chauffeur de Taxi (Max Jamie Fox) qui le conduira d'un « hit » à l'autre ne sert évidemment que de prétexte à nous embarquer dans ce taxi comme passager clandestin pour nous faire découvrir « L.A. by night ». Une fois de plus Mann délaisse le côté paillettes de la ville Hollywood et évite l'escale obligatoire dans le « gang land » Training Day et Colors ont déjà couvert ce sujet usé jusqu'à la corde.
Le taxi tourne autour de downtown L.A., faisant étape dans plusieurs boites de nuit, reflections de la diversité cultuelle et ethnique de la ville (latino/musique traditionnelle, asiatique/techno, black/jazz) avant de s'arrêter au milieu des grattes-ciel. L'autoroute est omniprésente, montrée comme les véritables veines de la ville dont les voitures seraient les vaisseaux sanguins. Mann s'attache à montrer une face cachée de la mégalopole dont la beauté rugeuse, loin des circuits touristiques, n'est dévoilée qu'à ses habitants je peux en témoigner puisque j'y vis.
L'utilisation d'un décor nocture et le sous-genre du tueur à gages classent évidemment Collateral comme film noir. Cruise un « loup dans la jungle urbaine » qui par moment arrive à faire percer une cruauté et une froideur presque réelle et Fox le plus convaincant ici ne sont ici que les accessoires de ce genre, accessoires d'autant plus secondaires que l'un des personnages, supposé central, sera sacrifié prématuremment ; on se rapproche alors d'un réalisme anti-hollywoodien qui souvent offrait une conclusion pessimiste aux épisodes de Miami Vice.
Mann rend hommage à Melville dont il modernise l'œuvre. Ce dernier trajet en métro renvoie irrémédiablement au Samurai et Los Angeles se substitue à Paris. On l'avait pressenti avec Heat et To Live and Die in L.A. de William Friedkin : le renouveau film noir ou neo-noir passe inexorablement par Los Angeles, ce que Mann confirme ici une fois pour toutes, d'une façon magistrale.