Avec : Leonardo Sbaraglia, Eusebio Poncela, Max von Sydow, Mónica López
Durée : 1:48
Pays : Espagne
Année : 2002
Web : Site Officiel
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Incursion fascinante dans un monde inquiétant où la chance se courtise comme une maîtresse imprévisible et capricieuse, Intacto baigne le spectateur dans une atmosphère à la fois étrange et poétique.
Unique survivant d'un accident d'avion, Federico (Eusebio Poncela) succombe à la promesse d'une vie facile lorsque Tomás (Leonardo Sbaraglia) lui propose de devenir son associé. Celui-ci l'introduit dans un cercle très fermé où des êtres exceptionnellement chanceux s'affrontent dans des jeux de hasard aux mises inestimables. Dans une épreuve ultime, Federico devra affronter à la roulette russe le « champion » Samuel (Max von Sydow), un survivant de camps de concentration qui vit reclus dans un casino au milieu du désert.
En approchant la chance d'une manière simple et ésotérique, le réalisateur espagnol (et co-scénariste) Juan Carlos Fresnadillo a crée un film épuré et intrigant d'une grande beauté. Le rythme est posé et le film dénué de tout artifice spectaculaire se concentre sur la construction psychologique et la suggestion. Le pari est réussi puisque non seulement Intacto captive irrémédiablement le spectateur mais il sait aussi jouer avec ses phobies. Si la scène de traversée d'une autoroute les yeux bandés fait déjà frissonner, ce n'est rien comparé à la pourtant simple course à l'aveuglette au milieu d'une forêt : le bruit des hommes heurtant les arbres suffit à créer l'effroi et le malaise. L'approche, à la manière d 'un huis clos avec une poignée de personnages, renforce l'ambiance claustrophobe du film.
Si cette soif de frissons n'est pas sans rappeler Crash, les motivations varient ici en fonction des personnages. Samuel, rongé par le remords, défie la mort qu'il attend patiemment et sa solitude trouve un écho dans l'immensité du désert. Pour le torero Alejandro (Antonio Dechent), c'est l'ultime acte bravache alors que la policière Sara (Mónica López) y voit une chance de rédemption. Tomás utilise Federico comme un outil de revanche tandis que ce dernier finit le jeu par amour.
Sans avoir recours à des manipulations formatées, Fresnadillo fait partie de cette nouvelle génération de cinéastes qui à l'instar de son compatriote Guillermo del Toro ou de M. Night Shyamalan sait distiller l'inquiétude et la peur avec une certaine poésie. Dans son film, les flux de chance passent subtilement d'un personnage à l'autre et leur rituel les assimile à des vampires où la chance remplacerait le sang.
Si outre David Cronenberg, l'influence de David Lynch est perceptible (voir le couloir du casino), le réalisateur a su créer une œuvre intimiste et originale gracieusement habillée par l'élégante cinématographie de Xavi Giménez. Les acteurs abordent leur rôle avec dignité et retenue, loin de l'extravagance parfois associée au cinéma espagnol.
Si le titre Intacto convient parfaitement au personnage de Federico, le spectateur lui n'en ressortira pas indemne.