Avec : Ben Affleck, Uma Thurman, Aaron Eckhart, Colm Fiore Scénario : Philip K. Dick Dean Georgaris Titre Original : Paycheck Durée : 1:59 Pays : USA Année : 2003 Site Officiel : Paycheck

Adaptation cinématographique d'une nouvelle de Phlip K. Dick, auteur décidément très en vogue chez les cinéastes américains depuis quelque temps (Spielberg, Verhoeven, Scott), Paycheck atteste de la futilité de la carrière américaine de John Woo. A part peut-être avec Face/Off, Woo n'a jamais réussi, depuis qu'il est à Hollywood, à s'imposer auprès des grands studios. Affligé du calamiteux Ben Affleck, en panne de charisme, Paycheck oscille entre le récit de science-fiction, le thriller scientifique et le film d'action. Cette valse hésitation contribue à la confusion des genres. Seules les scènes d'action pures témoignent du savoir-faire inaltéré du maître. Pour autant, Paycheck n'a rien d'un film raté ou honteux. Il remplit pleinement sa mission de divertissement à partir d'un scénario prometteur, mais filmé parfois un peu paresseusement.

L'ingénieur Michael Jennings vend ses inventions à des multinationales contre de coquettes rétributions. En contrepartie, il doit accepter que sa mémoire soit effacée à l'issue de chaque contrat, dans un souci de confidentialité. Après avoir investi quatre années de sa vie dans un projet scientifique, il découvre qu'il a été trompé par son employeur. Seul, le contenu hétéroclite d'une enveloppe lui permet de retendre le fil de son existence. Il est aidé dans sa quête identitaire par une femme qu'il a aimée mais dont le souvenir s'est estompé.

John Woo reste fidèle à ses valeurs qui firent les grandes heures de son cinéma et constituent des repères identifiables dans sa filmographie : loyauté, famille, honneur. Mais ici, ces thèmes sont abordés de manière superficielle. On est loin, par exemple, de films comme le Syndicat du Crime 1 et 2 qui voient la transposition de héros chevaleresques dans l'univers contemporain des triades. Michael Jennings a peu en commun avec ces figures archétypales. Assez individualiste, il travaille pour son propre compte et n'entretient pas de lien avec l'altérité qui ne soit motivé par l'argent. Sa liaison avec sa belle consoeur (Uma Thurman) détraque son mode de fonctionnement. On retrouve là le sentimentalisme de Woo et son attachement à la famille. Le duel final renvoie également aux ultimes affrontements tout droit hérités du wu xia pian et récurrents dans les films de John Woo.

Le contenu de l'enveloppe détermine le récit, en dessine les méandres et les ruptures. Chaque objet, du trombone à la paire de lunettes, fonctionne comme un agent dramatique. En cela, Paycheck entretient des correspondances avec le jeu vidéo (par exemple Resident Evil), dans lequel le gamer collecte toute une série d'accessoires destinée à le tirer d'affaire dans des situations scabreuses. Les scènes d'action deviennent programmatiques. Paradoxalement, cet aspect provoque autant la jubilation que la limite du film. L'expérience spectatorielle se trouve circonscrite par ce dispositif. Woo suit méthodiquement son programme, évacuant la réflexion philosophique relative à la mémoire et aux nouvelles technologies. La machine qui ouvre une fenêtre sur le futur met en péril l'humanité tout entière. Pas la moindre inquiétude n'affleure néanmoins dans ce récit qui ne se soucie que de contingences formelles. Le rythme et l'efficience des scènes priment. Un supplément d'âme et d'intelligence n'aurait pas nui à l'ensemble. Woo se serait-il transformé en machine de guerre pour les grands studios ?

  Sandrine Marques

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