Avec : Jean-Louis Trintignant, Klaus Kinski, Frank Wolff, Vonetta McGee
Durée : 1:45
Pays : Italie
Année : 1968
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Si avec Django, Sergio Corbucci définit le western spaghetti comme antithèse du western américain, il signe avec Le Grand Silence l'incarnation définitive mais aussi la plus extrême du genre.
Jean-Louis Trintignant interprète Silence, un tueur à gages muet doté d'un pistolet automatique Mauser qui fait plus de trous qu'une machine à coudre. L'homme qui loue ses services pour des causes justes trouvera sur son chemin le cruel Tigrero (Klaus Kinski) et en profitera pour régler des comptes avec son passé.
Si l'on retrouve dans Le Grand Silence les thèmes habituels du cinéma de Corbucci comme le tueur solitaire ou l'utilisation des cicatrices comme métaphores des blessures psychologiques, il substitue cette fois la boue et de cauchemardesques villes fantômes pour de superbes et paisibles montagnes enneigées.
Au premier abord, le film peut paraître quelque peu anodin. L'histoire est plus que classique, mais ce qui choque surtout est le manque d'engouement pour le héros du film. Alors que Franco Nero à cause d'autres engagements il n'avait pu tenir ce rôle a toujours un charisme certain, Silence est un personnage fade, presque transparent. Outre son handicap apparent, il passerait presque pour un autiste, à moins que ce ne soit le jeu de Trintignant peu habitué aux rôles de héros. Pourtant, Jean-Louis Trintignant est un acteur renommé et le fait que se trouve face à lui Klaus Kinski montre que la distribution n'a pas été prise à la légère. C'est lorsque la fin arrive sûrement la conclusion la plus choquante de l'histoire du western que tout devient clair. Le Grand Silence apparaît alors comme un exercice de style sur le thème de l'antihéros.
Certains indices ne peuvent tromper. La réalisation ambiguë semble développer une certaine affection pour Tigrero tandis qu'elle s'avère assez froide envers Silence. La neige, l'handicap de Silence et son quasi-autisme symbolisent la naïveté et la pureté qui sont bien souvent les victimes du mal. Le fait divers sur lequel l'histoire est basée confirme les fins dénonciatrices du Grand Silence.
Kinski semble aussi venger avec jubilation tous les personnages de « méchants » qu'il a incarnés dans de nombreux westerns italiens. On apprécie alors d'autant plus le minimalisme du jeu de Trintignant.
Pour la petite histoire, ceux qui ont vu le médiocre Joe Kid avec Clint Estwood remarqueront les similarités avec le film de Corbucci (le tueur, le pistolet automatique Mauser, les montagnes..) mais la comparaison s'arrête là.
Cynique, atypique et anti-commercial par excellence, Le Grand Silence trouve sa valeur dans sa rareté.