Avec : Andy Lau, Takashi Sorimachi, Kelly Lin, Simon Yam
Durée : 1:35
Durée : Hong Kong
Année : 2003
Web : Site Officiel
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Figures immorales mais héroïques, les tueurs solitaires ont depuis toujours hanté nos écrans et nos fantasmes dans leurs multiples incarnations, des bas-fonds parisiens jazzy aux plaines de l'Ouest en passant par le Japon féodal. Prenant très tôt des allures de gangster à Hollywood (notamment dans Scarface d'Howard Hawks en 1932), il devient un mythe au Japon sous les traits du samouraï, en particulier grâce à Toshiro Mifune. L'Europe fortement influencée par le cinéma japonais prend alors le relais avec le film noir et le western spaghetti, Alain Delon, Clint Eastwood et Franco Nero se substituant à Mifune. Il faudra attendre les années 90 pour un nouveau « soubresaut » de la profession dans un éclat de violence et d'humour noir avec l'émergence de John Woo et de Quentin Tarantino, représentants des mouvances urbaines hong kongaise et américaine.
Johnnie To, spécialiste du cinéma d'action dont l'œuvre hétéroclite oscille entre le grotesque (The Heroic Trio) et le minimaliste (The Mission), a co-signé avec Fulltime Killer, un hommage excitant au genre, une œuvre nerveuse et flamboyante où l'action côtoie la mise en abîme.
Takashi Sorimachi incarne O, tueur discret, numéro un dans sa profession. Andy Lau est Tok, assassin extravagant bien décidé à détrôner O. Chin (Kelly Lin) jeune femme liée aux deux hommes servira d'entremetteuse involontaire.
Porté par le style baroque et explosif des deux co-réalisateurs Johnnie To et Wai Ka Fai, Fulltime Killer multiplie les références et clins d'oeil. Figure longiligne élégante et taciturne, O est le tueur typiquement européen, alliant la froideur calculée d'un Alain Delon à l'efficacité d'un Clint Eastwood (dans le western italien). O est un félin élégant et silencieux qui aime rester dans l'ombre mais n'est pas pour autant dénué d'une certaine humanité. Au contraire Tok, est un assassin sadique amateur d'une violence débridée, un psychopathe qui « met en scène » des meurtres en s'inspirant de scènes emblématiques de films hollywoodiens comme Terminator 2 et Point Break. Tok est ainsi le tueur américain par excellence, un personnage hors norme et ultra-violent qui doit beaucoup à l'univers de Tarantino et Robert Rodriguez (Desperado, El Mariachi). Ce procédé d'associer des tueurs issus d'« écoles » différentes n'est certes pas nouveau on se souvient du duo Delon/Lancaster dans Scorpio et du trio Delon/Bronson/Mifune dans Soleil Rouge mais au contraire de Fulltime Killer, ces films privilégiaient l'action, au premier degré.
Entre ces deux pôles opposés, Chin officie comme l'union de deux cinémas, offrant une allusion directe à Léon où Luc Besson transposait son héros européen dans l'univers du film d'action américain. Mais Chin c'est aussi Johnnie To qui, à l'image de nombreux cinéastes de sa génération, flirte ouvertement avec les cinémas européen et américain entre lesquels son cœur bascule ostensiblement. Le cinéaste fait aussi allusion à l'influence de ses pairs, notamment à Tsui Hark avec Time and Tide et John Woo avec The Killer.
Alternant moments intimistes et fusillades survoltées, Fulltime Killer s'impose par son mélange réussi de dextérité visuelle et de second degré comme un exercice de style jubilatoire, un film d'action de cinéphiles qui ne rate pas sa cible.