Avec : Scarlett Johansson, Jonathan Rhys-Meyers, Emily Mortimer, Matthew Goode Scénario : Titre Original : Match Point Durée : 2:03 Pays : USA Année : 2005

, jeu, set et match ! Fable cruelle, Match Point signe un renouveau inattendu, du moins une embardée régénératrice, dans une filmographie sacrément lénifiante depuis une bonne décennie. Le système Allen a fait long feu et l'auteur en prend acte pour livrer une comédie noire toute droit inspirée par l'univers sombre de Dostoïevski. Oublié le décor d'élection new yorkais, nous voici en Europe. Le Vieux Continent libère manifestement l'inspiration créatrice du réalisateur, la débride même. avait déjà planté sa caméra à Paris (Tout le Monde dit I Love You), ville chromo qui donnait tout naturellement lieu à une comédie romantique enchantée.

Match Point se situe d'emblée à l'exacte opposée. Récit de l'ascension sociale fulgurante d'un jeune ambitieux (Jonathan Rhys Meyers), le film surprend par le lent travail de sape qu'il entreprend de la haute société britannique. Depuis quand Allen ne s'était pas montré aussi efficace et cynique anthropologue ? C'est avec une précision clinique qu'il observe et agrafe son milieu de grands bourgeois, où le conformisme assure la cohésion de la communauté. A chaque territoire sa mise en scène intrinsèque : rigueur du cadre à laquelle répond la rigidité ambiante, plans savamment composés, Allen fait sienne la géométrie du court de tennis.

Un jeune professeur de tennis, passionné d'opéra, gagne l'amitié d'un fils de bonne famille. Il séduit la jeune sœur de son bienfaiteur, l'épouse et entre dans l'entreprise familiale. Parcours sans faille ? Non, bien évidemment. Le drame n'est pas loin : il se prend de passion pour Nola Rice (Scarlett Johansson), la fiancée américaine de son ami. Intense et houleuse, cette liaison pourrait bien contrarier ses plans. Excellent choix pour le rôle principal que Jonathan Rhys Meyers. Cover boy jusqu'alors un peu lisse, l'acteur campe avec assurance un personnage qui se situe entre Julien Sorel (Le Rouge et le Noir) et les héros névrosés de la littérature russe. A la fois icône et monstre d'arrivisme, rompu à tous les codes sociaux ; animal social en somme, mû par une détermination abyssale.

Rien d'étonnant à ce que le héros soit un champion de tennis, lui qui, mieux que quiconque, sait renvoyer la balle. De s'assurer, par exemple, les faveurs du patriarche en compulsant une anthologie sur Dostoïevski. Mais l'intelligence vacille en présence de la passion. Et Allen, réputé pour son puritanisme, étonne là encore en filmant de vraies scènes de sexe, dont la plus belle explose dans un champ, sous un orage. Motif cinégénique s'il en est, le tennis permet à Allen de filer la métaphore sur le hasard et la chance, non sans une certaine ironie. Il se concentre sur cet instant suspendu où la balle effleure le filet. Deux options : elle passe ou retombe du mauvais côté. A coup sûr, Match Point passe haut le filet.

  Sandrine Marques

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