Avec : Blind Willie Johnson, Skip James, J.B Lenoir, Lucinda Williams
Scénario : Wim Wenders
Titre Original : The Soul of a Man
Durée : 1:40
Pays : Allemagne
Année : 2003
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The Soul of a Man, documentaire réalisé par Wim Wenders, inaugure une collection de sept films dédiés au blues. A l'initiative de ce projet d'envergure, les producteurs exécutifs Martin Scorcese, Paul G. Allen, Jody Patton et Ulrich Felsberg.
La conceptuelle et enthousiasmante série The Blues réunit des cinéastes prestigieux comme Clint Eastwood, Marc Levin, Mike Figgis ou bien encore Scorcese lui-même (From Mali to Mississipi). Dévorés par leur passion pour le blues, ces réalisateurs se sont prêtés à l'exercice en livrant chacun leur vision de ce genre musical fondamental.
Quel que soit l'angle ou le type de narration choisis pour évoquer cette musique mythique, la plupart des cinéastes ont fait appel à des images d'archives. Comment utiliser ces documents d'archives ou plus généralement des ressources documentaires sans prendre le risque de sombrer dans la stérile fiction de reconstitution, le « biopic » ou l'hagiographie ? C'est ce pari que se doivent de relever l'ensemble des cinéastes engagés dans ce projet cinématographique complexe.
Wenders s'attache particulièrement à trois figures marquantes du blues, à commencer par Blind Willie Johnson, le chanteur texan aveugle, guitariste hors pair, pour qui la musique était un moyen d'accomplir sa mission évangélique. D'ailleurs, le titre du documentaire de Wenders renvoie à l'un des titres du bluesman, enregistré pour la Columbia.
Mû par la même ferveur religieuse, Skip James, au destin exceptionnel : découvert dans les années trente, il sombra dans l'oubli pendant près de trente années, avant d'être redécouvert et célébré par les générations de musiciens suivantes. Enfin J.B Lenoir, musicien de génie méconnu mais qui influença des figures comme le jazzman John Mayall.
Wenders multiplie les va et vient entre passé et présent, confrontant les standards originaux et leurs reprises, signées par des musiciens comme John Spencer Blues Explosion, Cream, Beck, Nick Cave ou bien encore Marc Ribot. De sorte que les images d'archives font sans cesse écho aux prestations filmées des groupes. La cohabitation de ces différents supports filmiques s'opère avec une certaine fluidité, à cette restriction que peu à peu l'impression de juxtaposition l'emporte.
Le côté « patchwork » du film le dispute à un humour décalé. Wenders se met lui-même en scène, sous les traits de l'étudiant passionné par la musique de J.B Lenoir, en recourant encore à des images d'archives. Ces séquences n'apportent rien à l'enquête du cinéaste, pas tant éloignée de celle qui sous-tend Lisbonne Story.
Le film inachevé se substitue ici à la quête d'une autre image : celle du cliché de Skip James, quelques minutes avant qu'il ne remonte sur scène, trente ans après avoir enregistré une session mythique.
Malheureusement, la structure hybride du film, coincée entre fiction de reconstitution et documentaire, ainsi que la prolifération des supports filmiques, condamnent ce long métrage, en dépit de sa belle sincérité et de quelques moments de grâce.