Avec : Chris Klein, Jean Reno, LL Cool J, Rebecca Romijn-Stamos
Durée : 1:38
Pays : USA
Année : 2002
Web : Site Officiel
|
|
Rarement un film n'aura été aussi férocement attaqué. « Idiot », « stupide », « mal filmé », « mal joué », « flou », etc. On aura tout lu sur Rollerball qui a récolté tout le mépris des critiques de cinéma, comme un des pires films de la décennie.
Avant de se demander si Rollerball est aussi mauvais qu'on pouvait le lire, la première vraie question est la suivante : est-ce qu'un remake de Rollerball (1975) était vraiment une bonne idée ?
Des romanciers comme Pierre Boulle dans Les Jeux de l'esprit par exemple avaient déjà décrit au début des seventies un monde totalitaire dans lequel des jeux violents servaient d'exutoire à une population dans l'ennui. Dans le grand mouvement anti-utopiste de la période hippie, Rollerball de Jewison surfait donc sur la vague des films de science-fiction des années 70. Pour avoir été film culte à cette époque, il jouit encore aujourd'hui d'une réputation assez respectable.
Faire un remake de Rollerball semblait donc, a priori, démodé, et en outre très risqué à cause du spectre du film de Jewison qui le survolerait.
Comme prévu, le film de McTiernan a immédiatement souffert auprès des critiques (surtout américains) de sa comparaison avec le film de Jewison. Mais en étant tout à fait honnête, il s'avère que Rollerball reprend les thèmes de son prédécesseur, et que par conséquent il en garde le fond. Qu'il est visuellement mieux réussi.
Au film de 1975, les scénaristes de McTiernan ont voulu ajouter l'idée (un peu réductrice) qu'un « accident » en direct faisait monter l'audimat. Ils ont placé l'intrigue dans un pays d'Asie Centrale, dans un futur très proche (2005) et plutôt que de faire jouer des équipes nationales, ils ont formé des équipes privées, tout le jeu appartenant à un riche homme d'affaires, l'inventeur du jeu, Petrovitch (Jean Reno). Après la tentative de fuite de Chris Klein et LL Cool J (par ailleurs filmée de manière très audacieuse en infrarouges, à voir absolument), la fin sombre dans la bêtise. Le personnage de Jean Reno, méchant à la caricature, est ridicule, et la manière dont Klein brise ses chaînes, Spartacus du roller, est vraiment très naïve.
Quant au public, qui a fortement boudé le film, la faute incombe d'abord à la promotion déplorable de la part des distributeurs. Tout le monde s'imaginait Rollerball comme un blockbuster sanglant pour adolescents surexcités. Ce n'est pas un film pour adolescents, et ce n'est pas un blockbuster. Quant à la violence, il n'y en a pas (ou plus ?) trace. Peut-être elle a été retirée lors du montage arbitraire de la production, si l'on se base sur les premières interviews de McTiernan. Car McTiernan n'as pas eu le fameux final cut. Après des projections-tests probablement peu encourageantes, le film a été charcuté. Les nombreuses coupes ont visiblement entamé la linéarité du récit, qui souffre d'étranges discontinuités.
Donc Rollerball n'est pas excessivement violent. L'action se concentre sur les coulisses du match, sur les à-côté économiques et politiques, parce qu'une partie de Rollerball se joue davantage dans les coulisses que sur le terrain. Ainsi, par moments, il évoque L'Enfer du Dimanche d'Oliver Stone ou les films de Verhoeven.
Le casting pas très éclairé est aussi partiellement responsable de l'échec du film. Comme c'était à prévoir, tout le monde n'a eu de cesse d'opposer James Caan à Chris Klein. Si l'on compare les performances, il se peut que Caan soit supérieur, mais dans l'absolu, la performance de Klein n'est pas mauvaise. C'est en revanche la preuve que l'étiquette attachée à un acteur est primordiale. Trop de rôles de joli cœur pour adolescentes dans sa filmographie l'ont discrédité. Si Chris Klein réussit dans l'avenir une carrière en brisant son image comme ont pu le faire Johnny Depp ou Tom Cruise, peut-être on trouvera qu'a posteriori Klein jouait bien dans Rollerball.
L'idée d'engager LL Cool J n'était peut-être pas très brillante pour la promotion du film. Mais à l'écran, ça fonctionne. Et s'il est notoire que Rebecca Romijn-Stamos est arrivée au dernier moment dans ce film, il n'en paraît rien à l'écran. Elle s'en tire avec les honneurs.
Alors assurément, le haro sur le baudet Rollerball était excessif. Rollerball n'est pas un film « stupide », ni « flou ». Son propos, naïf, est pourtant honnête. Le paysage cinématographique regorge de films infiniment plus mauvais qui ont eu un sort bien meilleur : Jurassic Park 3 ou Tomb Raider ont été mieux reçus, ce qui laisse un peu perplexe.
McTiernan est au creux de la vague après le Treizième Guerrier, déjà massacré par les producteurs, et un remake sans relief de Thomas Crown. Pourtant, il a gardé son inventivité visuelle. Il a perdu son public, et après s'être fait escroquer deux fois d'affilée par les studios, on peut se demander de quelle manière il envisage l'avenir aujourd'hui.
Il ne s'agit pas de prendre le parti de Rollerball, qui reste médiocre. Mais un tel déchaînement de haine nous a laissés perplexes et on devait s'interroger sur le pourquoi de critiques aussi féroces et unanimes (outre-atlantique) qui l'ont assassiné.
Malheureusement, nous sommes entrés dans une période de remakes de films de science-fiction des années hippie. Des producteurs à Hollywood pensent qu'il faudrait « refaire les films tous les 25 ou 30 ans » (sic).
La Planète des Singes (1967) a connu un remake dont on aurait vraiment pu se passer. Seulement, on ne s'en prend pas à Tim Burton. La violence et les absurdités de son film se sont transformées ici et là en « richesse visuelle ».
On a déjà entendu que des remakes de Mondwest (avec Schwarzenegger !) et de Solaris étaient en cours. Les paris sont ouverts sur la prochaine « bonne idée » des studios. Orange Mécanique ? Le Survivant ? Le Mystère Stepford ? Qui, après Pierre Boulle et Tarkovsky, se retournera dans sa tombe ? Qui, après Tim Burton et Gus Van Sant (Psycho), vendra son âme au diable ?