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Oncle Boonmee l'homme qui se souvient de ses vies antérieures - critique du film
:. Réalisateur: Apichatpong Weerasethakul
:. Acteurs: Thanapat Saisaymar, Jenjira Pongpas
:. Scénario: Apichatpong Weerasethakul
:. Titre Original : Loong Boonmee Raleuk Chat
:. Durée: 1:53
:. Année: 2010
:. Country: Thailande
:. Pays: Oncle Boonmee
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C'est désormais une vérité péremptoire, un fait établi, presque une loi : le cinéma d'Apichatpong Weerasethakul est l'un des plus inventifs et les plus beaux qui soit. Pour peu qu'on fournisse l'effort d'adhérer à son univers si particulier, à la mélodie visuelle de la poésie qui se dégage imperceptiblement de ses plans, à sa singulière modernité. Dans la droite lignée de ses précédents opus, Blissfully yours et Tropical Malady, Oncle Boonmee l'homme qui se souvient de ses vies antérieures est son film le plus accessible et à la fois le plus réussi à ce jour. Puisant dans les forces tutélaires de la nature, il explore la culture animiste de son pays à travers le dernier voyage d'un homme souffrant d'une insuffisance rénale.
Derrière des séquences en apparence simples, construites pour la plupart à partir de plans fixes, une sensible poésie se tapit, teintée de mysticisme. Dans le cinéma de celui qu'on surnomme Jo, les décors jouent un rôle prépondérant, avec lequel communiquent les personnages. On est loin de la capitale bruyante, en proie à la guerre civile. Loin des clichés de la mégalopole, avec ses voies rapides aériennes, ses touristes en mal de plaisir, ses centres commerciaux gigantesques et ses clubs insomniaques. Chez Jo, la nature occupe le devant de la scène: les poissons chats font l'amour aux princesses défigurées dont la beauté se reflète sur la surface fugace de l'eau, et les esprits s'invitent au dîner, non pour glacer le sang, mais pour accompagner les êtres chers à la veille de leur mort, même si ils apparaissent sous les traits d'une sorte de Chewbacca au poil noir et aux yeux incandescents. Ces mêmes esprits, pour lesquels les Thaïlandais érigent une maison sous leur propre toit, rappellent que les forces de la nature nourrissent le cinéma de Jo, en dressant des ponts entre les vivants et l'au-delà. Ils s'invitent à la table des vivants comme un membre de la famille vous rendrait une visite impromptue. Apichatpong Weerasethakul croit en la transmigration des âmes entre les hommes, les plantes, les animaux et les fantômes. Jamais ridicules, faussement naïves et simples, les scènes dégagent une beauté intrinsèque qui relève de la magie. Cette même magie à l'écran qui encourage l'imagination du spectateur. Car dans ce film, aucune vie antérieure de Boonmee n'est explicitement racontée, au contraire, des éléments de ces vies se confondent avec le récit : ici un buffle, là une princesse. Autant de représentations du cinéma lui-même, cette machine à fabriquer des mondes parallèles, d'autres vies.
Moland Fengkov
Tropical Malady
Festival de Cannes 2010
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